13 / 06 / 2019
La vitamine D, une hormone multifonctionnelle essentielle à la santé
Entretien avec le professeur Vincenzo Castronovo*
J'ai eu la chance et le privilège de recevoir le professeur Vincenzo Castronovo à Toulon pour une conférence au Télégraphe (le podcast sera prochainement ici) et de partager des moments très enrichissants. Durant le week-end, au cours d'une de nos conversations, il m 'a révélé des nouveautés peu partagées sur les différents réseaux sociaux ou les newsletter de spécialistes. Vous connaissez ma passion pour la recherche et surtout mon enthousiasme à partager mes dernières découvertes. Voici la retranscription de nos échanges. Il y a parfois un langage parlé que j'ai volontairement conservé. Les amoureux de la littérature ne m'en voudront pas je l'espère…Je dois vous prévenir que ce texte est un peu ardu à comprendre pour les néophytes, aussi, je vais vous faire une conclusion qui résumera dans un langage plus simple, l'ensemble de ces connaissances.
Marion Kaplan : On parle beaucoup ces derniers temps de la vitamine D, c'est même une préoccupation des publicitaires, peux-tu nous en dire plus ? (Vincent Castronovo déteste qu'on le vouvoie)
Vincent Castronovo : la vitamine D est une hormone multifonctionnelle essentielle à la santé, qui ne nous a pas révélé tous ses secrets et qui ne fait pas cavalier seul.
D’abord parlons de l'histoire la vitamine D
La vitamine D a été identifiée lorsqu’on a essayé de comprendre le rachitisme. Ce rachitisme était dû à une décalcification du squelette et il occasionnait des déformations osseuses. Car le squelette a des difficultés à se minéraliser non par manque de calcium mais parce qu'il n'y avait pas assez d'exposition au soleil et un lien avec la vitamine D a alors été proposé.On a donc découvert cette fameuse vitamine D. A l’origine, on s’est dit que si on n’avait pas assez de vitamine D, on n’avait pas de calcification du squelette.
Le calcium ne suffit pas pour pouvoir faire de l’os. L’os est un tissu qui va se minéraliser. Il y a une matrice pré-osseuse, qui va organiser la calcification du calcium et du phosphate sous forme de cristaux bien spécifiques que l’on appelle l’hydroxyapatite de calcium. Cet hydroxyapatite est spécifique au tissu osseux. Le calcium et le phosphore doivent arriver en concentrations suffisantes, mais il faut également des protéines initiatrices de la calcification qu’on appelle les bone matrix proteins, les BMP, dont la sialoprotéine osseuse(BSP, bone sialoprotein), qui est l’une des protéines qui est indispensable pour que le calcium et le phosphore fabriquent les cristaux hydroxyapatites. On a alors compris que la vitamine D jouait un rôle important dans l’absorption du calcium et dans la régulation des phénomènes d’ostéolyse et d’ostéogénèse. L’ostéolyse c’est la dégradation de l’os et l’ostéogénèse c’est la formation de l’os. Il faut savoir que le calcium est un des minéraux le plus abondants et qu,il est essentiel à la vie. Pourquoi ?
Parce que le calcium est fondamental pour le mouvement, pour la contraction musculaire, notamment la contraction du cœur.
Il était donc important d’avoir des stocks de calcium, parce que s’il n’y a pas de calcium, il n’y a pas de vie. Les organismes ont commencé à accumuler le calcium. Ils l'ont accumulé à tellement haute concentration que ça a commencé à précipiter, à faire des cristaux. Dans un deuxième temps, ces cristaux, durs et solides, ont été l’opportunité pour construire le squelette et ce squelette a permis aux animaux de pouvoir organiser le mouvement. Pour bouger, il faut pouvoir s’accrocher et avoir un support. Ce squelette est devenu l’organe principal de la mobilité. Les muscles se sont développés et se sont accrochés via des ligaments et des tendons. Mais jamais la fonction primaire du squelette n’a été oubliée, c’est à dire une réserve de calcium. Le squelette c’est essentiellement, avant tout, une réserve de calcium. D’ailleurs, de manière constante, 10% du calcium est rapidement mobilisable. La calcémie est l’objet d’une régulation homéostatique, c'est-à-dire un peu comme la glycémie, il y a des hormones qui vont contrôler le taux de calcium pour qu’il reste toujours stable.MK : C’est une réserve de calcium mais c’est quand même ce qui nous permet de tenir debout aussi.
VC : Oui, mais la première fonction c’est d’être une réserve de calcium. On peut vivre couché, mais on ne peut pas vivre sans calcium. On peut vivre désarticulé, sans squelette, mais on ne peut pas vivre sans calcium. Donc il y a deux systèmes hormonaux qui vont le contrôler, qui sont la parathormone qui va, lorsqu’il n’y a pas assez de calcium, aller puiser du calcium dans le squelette et la calcitonine qui elle, va permettre de stocker le calcium dans le squelette quand il y a trop de calcium. Derrière la thyroïde, il y a quatre petites glandes, comme des petits haricots qu’on appelle les parathyroïdes.
MK : Ca dépend aussi de la thyroïde ?
VC : Non. C’est associé à la thyroïde. Et dans la thyroïde, il y a des cellules à calcitonine qui sont dans le parenchyme. La thyroïde est également un endroit où il y a des hormones de la régulation du calcium.
MK : Alors quand les gens n’ont plus de thyroïde ?
VC : Il peut y avoir éventuellement un problème de parathormone lorsque les parathyroïdes ont du être aussi retirés lors de thyroidectomie (ablation chirurgicale de la thyroïde). Il faudra contrôler régulièrement leur calcémie.
On s’est rendu compte que les rachitiques avaient trop peu de vitamine D et donc on a attribué la vitamine D à l’ossification. Quand tu n’as pas de vitamine D, tu as du rachitisme.
La première fonction de la vitamine D, qui a été identifiée, c’est d’être un régulateur de l’absorption du calcium au niveau intestinal.
Le calcium est transporté dans l’intestin par un mécanisme qui est vitamine D dépendante. Si tu n’as pas de vitamine D, le calcium passe son chemin et il se retrouve dans la cuvette du WC. Pendant longtemps on a déterminé les doses de la vitamine D qui étaient nécessaires pour avoir une bonne absorption de calcium, pour autant que tu consommes du calcium. Si tu n’as pas de calcium, quelque chose qui n’est pas là ça ne rentre pas.MK : Mais, il y a du calcium partout !
VC : Il y a du calcium dans beaucoup d’aliments, notamment dans les produits laitiers. Une fois que l’on a découvert la vitamine D et l’ostéoporose, les produits laitiers ont pris beaucoup de popularité et ça a lancé toute l’industrie laitière, le lait, le calcium, le fromage etc. avec les problèmes qu'on connait maintenant chez certaines personnes qui sont intolérantes au lactose ou allergiques aux protéines de lait (caséine) etc...
On a déterminé des normes. On a dit que pour pouvoir avoir une bonne absorption de calcium, il fallait 30 ng par ml. Et puis, on s’est rendu compte qu'on synthétisait nous mêmes la vitamine D. Elle n’est donc pas vraiment une vitamine parce que normalement une vitamine, c’est une substance que l’on ne sait pas synthétiser. Alors qu'on sait synthétiser la vitamine D à partir du cholestérol par photo réaction, il faut des UV qui pénètrent et qui vont permettre l’oxydation du cholestérol en cholécalciférol. Mais on a le précurseur de la vitamine D, la vitamine D active c’est la 1,25 Dihydroxy-vitamine D, c'est-à-dire qu’elle va être oxydée deux fois par des cytochromes oxydases des enzymes qui ont besoin de fer pour fonctionner correctement, et on a compris plus tard qu’on n’était pas tous égaux par rapport à la vitamine D parce qu’il y a un polymorphisme de toutes les protéines qui participent à la biologie de la vitamine D. La vitamine D c’est très complexe en fait. Cela dépasse de loin le métabolisme osseux.
On s’est rendu compte que la vitamine D, comme elle vient du cholestérol, est une vitamine liposoluble. Elle va être absorbée avec les graisses, elle va donc dépendre de la sécrétion biliaire. Les gens qui ont des problèmes de digestion du gras, vont avoir moins de facilité à absorber la vitamine D. On s’est ensuite rendu compte que le soleil devait être présent, pour pouvoir synthétiser de la vitamine D. Il faudrait s'exposer au soleil au moins deux fois trente minutes par jour, sur une surface suffisamment grande que l’on évalue à : le visage, les avant-bras et la gorge. Et bien entendu, un soleil qui ne soit pas brulant. L'idéal est donc avant 10h du matin et après 17h. Il faut savoir que pour tous les pays au-dessus de Madrid, à partir de l’automne, le soleil ne stimule plus la vitamine D. L’incidence des rayons fait qu’il n’y a pas assez de pénétration des rayons du soleil et donc un manque de photosynthèse de la vitamine D. Les pays maghrébins sont les pays où il y a les plus grandes carences en vitamine D car leurs coutumes vestimentaires cachent leur peau des rayons du soleil. Par ailleurs, il faut savoir que des études ont récemment montré que les écrans solaires totaux, dont on parle beaucoup pour se protéger d’un effet de la photo oxydation qui est le développement du mélanome, un cancer impitoyable de la peau, empêchaient la pénétration des UV et bloquaient la synthèse de la vitamine D.
Quand vous irez au soleil en été et que vous vous protégerez du soleil, vous ne fabriquerez pas de vitamine D. Certains patients arrêtent de prendre leur supplément en vitamine D et commencent la nouvelle année académique, en octobre, en revenant de vacances, avec une carence en vitamine D parce qu’ils se sont complètement isolés des rayons du soleil.
Il faut également avoir un bon taux de cholestérol. On a montré que les gens qui prennent des médicaments anti cholestérol et qui ont un taux de cholestérol anormalement bas, vont avoir un problème parce qu’il n’y a pas suffisamment de matière première pour faire de la vitamine D.
La vitamine D est liposoluble. Elle va être un peu plus hydrosoluble grâce à l’oxydation et ces réactions se font dans le rein et dans le foie.
La vitamine D doit être oxydée deux fois. La première oxydation est la 25 au niveau du foie donc il faut avoir un foie qui fonctionne bien. La 1, c’est au niveau du rein. Tu dois savoir que ce sont des cytochromes oxydases P 450. Ces enzymes sont l’objet d’un polymorphisme, on n’a pas tous les mêmes.
On n’est pas tous égaux face à la vitamine D
Ces enzymes, comme tout cytochrome oxydase P 450, ont besoin de fer. Quelqu’un qui n’a pas assez de fer, (c’est tellement fréquent que l’on n’aie pas suffisamment de fer), ne va pas activer la vitamine D et même s’il en prend, elle ne fonctionnera pas. La vitamine D dans le sang, comme c'est un lipide, est transportée par une protéine qu’on appelle la vitamine D binding protein. Elle fait également l’objet d’un polymorphisme. Elle va traverser la membrane de la cellule, qui est lipidique, donc il n’y a pas de récepteurs, et elle va trouver un récepteur dans le cytoplasme de la cellule . Lui, une fois qu’il est lié, va dans le noyau, mais jamais si la vitamine D est seule. Elle doit être accompagnée du récepteur de la vitamine A, le RXR, qui lui, s’associe au récepteur de la vitamine D, quand il y a de la vitamine A. La vitamine D seule ne peut pas faire son travail. C’est un peu comme si tu avais que des chaussures du pied droit et pas du pied gauche. Tu peux avoir 10 mille chaussures, si tu n’as qu’un pied tu ne vas pas pouvoir marcher. Tu comprends la métaphore ? Il faut les deux. Il faut avoir suffisamment de vitamine A et D pour que la vitamine D fasse son travail. Une fois que tu as les deux chaussures, le pied gauche avec la vitamine A, le pied droit avec la vitamine D, les deux marchent dans le noyau et vont activer les gènes vitamine D dépendants. Notamment, cela va activer dans l'intestin la production de la calbinding, une protéine qui assure le passage du calcium entre l’intestin et le sang. Si tu n’as pas ça, le calcium passe et il ne rentre pas.Alors cela veut dire que si tu n’as pas de vitamine A, la vitamine D ne sait pas faire son travail. Toutes ces études qui étudient la vitamine D sans considérer la vitamine A vont avoir des résultats complètement aléatoires. Avant on a beaucoup parlé de la vitamine D et son influence sur l'ostéoporose mais cela ne marchait pas toujours. Soit qu’il n’y avait pas suffisamment de vitamine A, mais par ce que également on n’intégrait pas la vitamine D dans son concept physiologique: qu'elle doit être absorbée avec les lipides, qu'elle doit être oxydée avec des enzymes qui ont besoin de fer, et qu’il faut avoir un foie et des reins qui fonctionnent bien. Cela fait énormément de conditions !
Alors on s’est rendu compte que les gènes, (qui sont des recettes pour les protéines), qui répondent à la vitamine D ont un interrupteur sur lequel vient pousser le couple récepteur vitamine A et récepteur vitamine D à pieds joints, oups ! ils sautent. Cela active l’exécution de la recette, la transcription puis la traduction.
On sait identifier cette zone et on s’est rendu compte que 3% des recettes (gènes) des 22.500 recettes de notre génome, ont cette séquence. Elles répondent à la vitamine D, suggérant que la vitamine D a des effets bien plus vastes que de contrôler le métabolisme du calcium. On en a trouvé partout: dans le cerveau, dans les os, dans les cellules musculaires, dans les cellules du foie, dans les cellules immunitaires, partout. On s’est rendu compte que la vitamine D était importante pour réguler la réponse immunitaire. C’est important, parce que la vitamine D avec la vitamine A, permettent de maintenir actifs des lymphocytes qui sont des régulateurs. Ce sont des lymphocytes de la tolérance qui permettent de ne pas partir en guerre, et de ne pas créer une inflammation pour un oui ou pour un non.
Finalement, la vitamine D est une hormone anti inflammatoire.
On parle déjà de la vitamine D comme hormone anti-inflammatoire, mais ce qu'on ne dit pas, c'est que, sans vitamine A, ça ne marche pas.
On parle déjà de la vitamine D comme hormone anti-inflammatoire, mais ce qu'on ne dit pas, c'est que, sans vitamine A, ça ne marche pas.
MK : Énormément de gens ne le savent pas.
VC : Effectivement, ils ne savent pas comment cela fonctionne. Les études démontrent que la vitamine D peut avoir aussi un effet anticancéreux. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la vitamine D est considérée comme un médicament pour traiter une maladie auto-immune qu’est la sclérose en plaque. Mais bien sûr, cela fonctionne pour toutes les maladies où l’inflammation est le dénominateur commun : toutes les maladies auto-immunes, l’allergie etc.
On a montré que la vitamine D jouait également un rôle dans la dépression, c'est peut-être de manière indirecte, via l’inflammation.
On sait que l’inflammation peut provoquer une dépression. Il semblerait que la vitamine D puisse aussi agir au niveau du fonctionnement du cerveau, et également au niveau du muscle, mais on n'a pas encore tous les mécanismes. D’ailleurs certains disent que les problèmes de fractures sont dus à la carence en vitamine D, car la vitamine D est nécessaire pour stimuler le maintien d'une bonne densité musculaire. Quand on n’a pas assez de vitamine D, le muscle s’atrophie, ce qui provoque cette maladie très répandue aujourd'hui, à savoir la sarcopénie (fonte musculaire) et les gens font alors plus de chutes. C’est parce qu’ils tombent qu’ils se cassent les os.
On sait que l’inflammation peut provoquer une dépression. Il semblerait que la vitamine D puisse aussi agir au niveau du fonctionnement du cerveau, et également au niveau du muscle, mais on n'a pas encore tous les mécanismes. D’ailleurs certains disent que les problèmes de fractures sont dus à la carence en vitamine D, car la vitamine D est nécessaire pour stimuler le maintien d'une bonne densité musculaire. Quand on n’a pas assez de vitamine D, le muscle s’atrophie, ce qui provoque cette maladie très répandue aujourd'hui, à savoir la sarcopénie (fonte musculaire) et les gens font alors plus de chutes. C’est parce qu’ils tombent qu’ils se cassent les os.
MK : Mais quand tu dis vitamine D, il faut que l’on entende vitamine A en même temps sinon ça ne marche pas.
VC : Oui, absolument, c’est un couple. Un couple où chaque partenaire qui doit être présent en même quantité. Il faut le bon pied gauche et le bon pied droit, et il y a un polymorphisme du récepteur.
MK : Quand tu as un polymorphisme mauvais, comment tu fais ?
VC : Tu auras plus de risque d’ostéoporose etc.
MK : Et on ne peut rien y faire ?
VC : On peut prendre plus de vitamine D, bien sûr.
MK : Associée à la vitamine A.
VC : Avec toujours la vitamine A, qui est un transporteur aussi d’ailleurs. Il y a tellement de variables que si on ne fait que doser la vitamine D sans doser les paramètres associés à sa bonne métabolisation, Il est probable que l’on n’ait aucun effet significatif. C'est-à-dire qu’on fait des associations qui ne veulent rien dire parce qu’on n’a pas tous les éléments. Donc il y a un polymorphisme des enzymes qui activent la vitamine D, il y a un polymorphisme du transporteur, il y a un polymorphisme du récepteur, cela en fait des variables.
MK : Et tout ça, on sait l’analyser ?
VC : On pourra bientôt l’analyser au niveau des analyses génétiques. Ce n’est pas encore courant, mais oui, on pourra l’analyser. En revanche, ce qu’on sait, c’est que les patients qui ont 30ng/ml de vitamine D, ce qui est la dose considéré comme la dose normale pour les os, peuvent avoir une PTH (parathormone appelée hormone parathyroïdienne) augmentée, ce qui veut dire que malgré le fait qu’ils aient de la vitamine D, ils doivent aller chercher du calcium dans leurs os. Et là on peut dire que, soit ils ne mangent pas assez de calcium, soit ils n’ont pas assez de vitamine A, et il faut la contrôler, soit ils ont un problème de polymorphisme, et là il faut réadapter. Ou bien, ils n’ont pas assez de fer pour bio activer. De nombreux problèmes peuvent survenir.
MK : C’est pour ça qu’il faut faire des bilans.
VC : Evidemment ! Et puis on s’est rendu compte que la vitamine D avait un effet anticancéreux. Le problème c’est que ces effets immunorégulateurs et anticancéreux, se manifestent à des concentrations beaucoup plus élevées que celles nécessaires pour l’absorption du calcium et donc il y a tout un débat, parce que les études ne permettent pas de faire un lien qui est constant. Il y a des études qui montrent que c’est bien et d’autres non. Il y a tout et son contraire parce qu’on n’évalue pas tous les paramètres. Il y a une très belle étude qui a montré que si on corrige le taux de vitamine D indépendamment du taux de vitamine A , et qu’on évalue la survenue de rhinite en hiver, ça n’est que si on associe les deux vitamines qu’on a une protection maximale. On n’a que 10 % de protection si on a que la vitamine D, ou la vitamine A. C'est démontré et publié.
MK: Est ce qu'on a tenu compte des autres paramètres du type, zinc, magnésium etc?
VC : Le zinc n’intervient pas directement, c’est le fer. Non, mais c’est déjà pas mal d’avoir étudié ensemble les vitamines D et A. Probablement que si on corrigeait tous les paramètres, on aurait un effet maximum. Le problème c’est que nous sommes dogmatiques et nous aimons croire que ce qui est ancien est la vérité. C'est-à-dire qu'on doit s’ inquiéter de la vitamine D si on a une ostéoporose ou si on a du rachitisme. D’ailleurs c’est intéressant de voir que pour lutter contre le rachitisme, on donnait de l’huile de foie de morue qui est une source de vitamine D mais également de vitamine A, et ça, on l’a oublié. C’est pour ça que cela fonctionnait bien! La vitamine D est une molécule qui, idéalement devrait être au dessus de 60ng/ml. La Mayo Clinic (aux Etats Unis) propose d'ailleurs un niveau entre 50 et 100ng, ce qui veut dire que la plupart des gens sont carencés au niveau optimal. Beaucoup de gens sont carencés en vitamine A, parce que la vitamine A est d’origine animale et que les courants modernes font qu'on ne mange plus de foies d'animaux. Mais elle peut être transformée à partir du bêta carotène d’origine végétal si, et seulement si, l’intestin est en bonne santé, fonctionnel, c'est à dire en eubiose.
MK : Fonctionnel et s’ils ont bien mastiqués d’après ce que j’ai pu comprendre.
VC : Et s’ils ont consommé des fruits et légumes cuits ou mangés avec des matières grasses. Le bêta carotène est une substance liposoluble. C’est extrêmement compliqué. Ca demande une connaissance précise, mais il y a des choses tellement évidentes qu’on peut aider les gens sans aller dans une analyse hyper sophistiquée. On dose la vitamine D, la vitamine A, la PTH et on peut voir si le patient est bien ou mal. Bientôt on aura les études polymorpho-génétiques et on pourra d’embler dire « toi, tu as besoin de plus de vitamine D. Toi, tu as besoin de plus de fer ». Il faut contrôler le fer aussi. Voilà un peu le tableau de la vitamine D. Et alors il y a bien sûr ceux qui disent « Attention, on va avoir des décalcifications ectopiques », en dehors de l’os. L’ectopie ça veut dire un développement de la structure là où on ne l’attend pas. Calcification ectopique c’est une calcification extra osseuse. Si tu as le nez sur le dos du crâne, on dira que tu as un nez ectopique.
MK : Pourquoi est-ce qu’on mettrait du calcium en dehors de l’os ?
VC : Parce que parfois dans l’inflammation, il y a des protéines qui sont multifonctionnelles et qui peuvent favoriser la précipitation du calcium notamment l’ostéonectine qui est considérée comme une protéine à matrice osseuse, mais également une protéine inflammatoire, une cytokine inflammatoire. Ceci explique que les parois artérielles se calcifient et que l’on peut avoir, dans les tendinites, des calcifications qui sont très douloureuses parce que les cristaux d’hydroxyapatite sont comme des petites épées qui perforent le tissus et créent une inflammation aseptique, (sans bactérie), due à une lésion mécanique. On sait que pour avoir une toxicité de la vitamine D, il faut être à des doses au dessus de 150ng/ml. Et, il faut y aller pour avoir 150ng/ml !
La parade pour ne pas avoir ces calcifications ectopiques, c’est de prendre de la vitamine K2. C’est également récent. Cette vitamine K2 est produite par notre microbiote et comme la plupart des gens ont un microbiote qui ne fonctionne pas, il faut la prendre en complément. On a montré que la vitamine K2, par un mécanisme connu va, d’une part, favoriser la calcification de l’os, mais également décalcifier, enlever tout le calcium des zones calcifiées ectopiques notamment des parois artérielles. Il y a une étude qui a été faite qui montrait qu’on réduisait la mortalité cardiovasculaire en prenant 40mcg par jour de vitamine K2. Ce sont les Japonais qui ont montré ça. Ils ont un mets franchement pas bon, mais qu’ils trouvent délicieux, le natto, qui sont des germes fermentés avec un champignon. En fait, ils mangent un mycélium, mais certaines bactéries sont capables de le faire.
MK : Est-ce qu’il existe des remèdes où on a associé Vitamines K2, D et A ?
VC : Pas A, parce que la A fait peur pour des raisons qui seront trop compliquées à expliquer ici, notamment chez les femmes enceintes. Il y a une mauvaise lecture du rôle de la vitamine A. La vitamine A est le partenaire indispensable à la vitamine D, mais elle est également le partenaire indispensable d’autres hormones qui sont lipophiles ou d’autres médiateurs lipophiles. En fait tous les médiateurs lipophiles traversent la membrane et trouvent ce que l’on appelle un récepteur nucléaire. C'est-à-dire qu’une fois qu’il rencontre l’hormone ou la vitamine va dans le noyau. La vitamine A est le partenaire des hormones thyroïdiennes. C’est le partenaire de la vitamine D. C’est le partenaire de lui-même parce qu’il peut y avoir deux RXR. C’est le partenaire des PPAR, des récepteurs aux acides gras ce qui permet d’expliquer le message que va livrer un acide gras au tissu. Par exemple, peroxisome proliferaor-activited receptor (PPAR) sont des récepteurs qui vont contrôler les structures cellulaires que l’on appelle les peroxisomes qui interviennent dans l’oxydation du gras. On sait qu’en fonction de l’acide gras, ces PPAR vont, soit donner l’ordre à la graisse de bruler la graisse, de l’hydrolyser et de l’envoyer dans les cellules pour l’utiliser comme carburant, soit va stimuler la lipogenèse. Le même gras peut faire maigrir ou grossir. C’est bien cette interface qui aide la lecture par les PPAR, les récepteurs nucléaires qui ont besoin de vitamine A. La vitamine A, outre le fait d'être un antioxydant, est une molécule exceptionnelle également multifonctionnelle.
MK : Pourquoi tant de gens sont carencés en vitamine A ?
VC : Parce qu’il y a une tendance à manger moins de produits d’origine animale. Il y a deux sources de vitamines A. Directement prête à l’emploi, c’est les produits d’origine animale, le foie notamment, la viande. Il y en a dans les poissons gras un petit peu.
MK : Dans le jaune d’œuf.
VC : Oui, bien sûr, un petit peu. La deuxième source est d’origine végétale mais elle n’est pas bioactive en l'état. C'est pourquoi on l'appelle pro-vitamine A. Elle doit être transformée.
MK : Elle dépend de ton microbiote.
VC : Elle doit être transformée par l’entérocyte, la cellule intestinale. Si l’intestin ne fonctionne pas bien et qu'il est en dysbiose, cela ne fonctionne pas.
MK : Il y a les sels biliaires aussi.
VC : Oui. Les sels biliaires sont des émulsifiants du gras qui sont nécessaires à l’absorption. Les sels biliaires permettent au bêta carotène d’entrer dans l’entérocyte. Mais si l’entérocyte est un petit peu malade, il ne fait pas son travail…
MK : Quelles sont les sources alimentaires pour la vitamine D ?
VC : Il n’y en a pas beaucoup. Un petit peu dans le germe de blé, dans les substances enrichies. Il y en a dans le poisson, dans l’œuf. Il y en a dans le saumon frais, le maquereau, dans les œufs et dans la sardine. Il y en a surtout dans l’huile de foie de morue qui est la championne, l’anguille, la sardine, les morues séchées et un peu dans le beurre cru. Le lait entier en contient très peu.
Conclusion
On a donc compris que s'exposer au soleil ne suffit pas pour bénéficier des bienfaits de la vitamine D. L'exposition doit se faire sans crème de protection aux heures indiquées dans l'article. Mais ces conditions ne suffisent pas car, si votre taux de vitamines A et de fer sont insuffisants, votre vitamine D ne pourra pas être activée.
D'autre part, il faudra que vous ayez un taux suffisant de bon cholestérol, un foie fonctionnel et de bonnes sécrétions biliaires pour absorber la vitamine A et la vitamine D.
Enfin, nous ne sommes pas tous égaux face à la vitamine D car cela dépend de nos gènes, de notre polymorphisme génétique pour de nombreux récepteurs qui peuvent empêcher certaines personnes de métaboliser toutes les protéines d'une façon efficace.
Je ne peux que vous conseiller de faire un bilan avec un médecin formé à la médecine fonctionnelle et nutritionnelle pour optimiser votre santé.
Portez vous bien !
Marion Kaplan et le Pr Vincent Castronovo
*M.D, PhD Department of Biology, Metastases Research Laboratory, GIGA- CANCER, University of Liège, Belgique