17 / 04 / 2025
Votre cœur vous dira merci : découvrez le rôle clé du glycocalyx
Les dommages du glucose et du fructose sur notre organisme aux doses où nous les consommons ne sont aujourd’hui plus à démontrer, nous en avons d’ailleurs détaillé les effets à plusieurs reprises. Il en est un pourtant que l’on connaît moins, voire pas du tout, et non des moindres. Outre être délétères pour notre foie, notre pancréas, etc. la liste est longue, le glucose et le fructose endommagent également un organe certes minuscule mais vital et présent partout dans notre corps : le glycocalyx. Il joue plusieurs rôles cruciaux, dont celui de protéger nos parois artérielles.
Petit rappel des faits
Le moins que l’on puisse dire c’est que notre régime alimentaire a considérablement changé, depuis l’aube de nos temps. Certes, plusieurs millions d’années nous séparent de nos ancêtres, et nous avons dû faire face à différentes adaptations avec succès, mais la volte-face, le virage à 180° opéré il y a une centaine d’années, surtout ces derniers 50 ans, explique finalement bien des choses sur l’état de santé du monde actuel. Nous sommes passés d’une alimentation riche en graisses - jalonnée de phases de jeûne en périodes de disette -, et pauvre, voire dépourvue de glucides la plupart du temps (au rythme des saisons) à une alimentation préconisant de 45 à 60% de glucides quotidiens (et quatre repas par jour, voire plus).
Telles sont les recommandations nutritionnelles à l’heure d’aujourd’hui, qu’elles soient nationales1 ou internationales (OMS), basées sur la pyramide alimentaire d’ailleurs sujette à débat en raison d’une trop grande place allouée à la famille des céréales et des féculents.
Une répartition de l’assiette qui laisse peu de place aux protéines si essentielles à notre organisme où elles jouent un rôle structural et interviennent dans de nombreux processus physiologiques, comme nous l’avons vu précédemment (Les pouvoirs insoupçonnés de nos muscles squelettiques) et aux lipides, le bon gras, pas le trans, pas celui des huiles de graines hautement inflammatoires… Et cela représente une très grande quantité de glucose et/ou de fructose (ces glucides que nous absorbons, contrairement aux glucides non digestibles – fibres -, qui par définition ne sont pas digérés) à gérer pour un organisme qui n’est pas historiquement, biologiquement « programmé » pour cela.
Nous ne sommes pas conçus pour fonctionner au glucose, comme nous explique dans une vidéo que je vous invite à regarder2, le Dr Gary Fettke, chirurgien orthopédique en Tasmanie (Australie). Partisan de la médecine préventive et de l’alimentation low carb, il s’est concentré récemment sur le rôle de l’alimentation dans le développement du diabète, de l’obésité et du cancer, se prononçant sur le rôle combiné du sucre, du fructose, des glucides raffinés et des huiles polyinsaturées qui sont à l’origine de l’inflammation et des maladies modernes. La très petite quantité de glucose dont nous avons besoin, souligne-t-il, peut être générée à partir de la dégradation des graisses ou de la dégradation des protéines.
Trop de glucose et de fructose dans l’alimentation moderne
Que va donc faire notre corps face à cette vague submersion quotidienne (et répétée depuis des années) de glucose et de fructose ? Ce n’est pas pour rien que notre corps fait tout ce qui est son pouvoir pour éliminer le glucose de la circulation sanguine. Il endommage le système, qui là se trouve littéralement débordé ! L’insulinorésistance, le surpoids, l’obésité, le vieillissement précoce (à travers la réaction de Maillard et ses produits de glycation avancés (AGE) qui nous caramélisent le corps) en sont les conséquences connues, une autre en est moins et non des moindres. Le glucose - et le fructose - endommagent un organe peu connu, voire pas du tout, y compris dans le milieu scientifique, et pourtant terriblement vital : le glycocalyx. Présent partout dans notre corps, il est aussi minuscule que ses missions sont cruciales.
Qu’est-ce que le glycocalyx ?
Le glycocalyx, c’est la fine couche (visible au microscope électronique) qui entoure nos cellules endothéliales vasculaires (c’est-à-dire les cellules qui tapissent la face interne de nos vaisseaux) auxquelles il adhère étroitement. Ce petit manteau de velours, d’aspect fibreux, recouvre intérieurement toutes les artères et veines du corps, des plus grands aux plus petits micro capillaires, c’est-à-dire les plus petits vaisseaux sanguins de notre organisme, plus petits encore que les veinules et artérioles, elles-mêmes plus petites que les veines et artères. Le glycocalyx joue un rôle clé, entre autres fonctions cruciales, dans la perméabilité vasculaire.
C’est une sorte de barrière protectrice, à l’instar de la barrière intestinale qui nous protège des agressions extérieures, en bloquant les substances nocives.
On s’est aperçu que les personnes diabétiques présentaient des couches de glycocalyx plus fines de 50 à 70% que celles des personnes non diabétiques. Et ce n’est pas bon. Si la couche de glycocalyx est trop fine, elle est plus encline à être endommagée, à présenter des trous laissant fuiter des choses qui ne le devraient pas à l’image de ce qui se produit dans le syndrome du leaky gut (syndrome de l’intestin qui fuit, syndrome de l’intestin poreux ou hyperperméabilité intestinale), laissant passer des particules indésirables comme des toxines ou des microbes dans la circulation sanguine.
Donc, ici c’est la même chose qu’avec un problème de perméabilité intestinale, mais c’est en fait une perméabilité vasculaire. Le dysfonctionnement du glycocalyx peut avoir plusieurs causes parmi lesquelles l’hyperglycémie - ce qui signifie en clair que le glucose endommage nos parois artérielles - ou les lipoprotéines de basse densité (LDL) oxydées qui alors provoquent l’athérothrombose, c’est-à-dire la formation d’un caillot sur les parois d’un vaisseau sanguin. Des preuves solides montrent que bon nombre de complications survenant au fil du temps avec le diabète (lésions oculaires pouvant conduire à la cécité, lésions rénales, lésions nerveuses, lésions des petits vaisseaux pouvant conduire au pied diabétique et à la gangrène) proviennent du fait que la maladie altère considérablement le glycocalyx des micro capillaires.
Le glycocalyx est constitué d’une large gamme d’enzymes et de protéines3 qui régulent l’adhérence des globules blancs et des plaquettes, puisque son rôle dans la vascularisation est de maintenir l’homéostasie du plasma et des parois vasculaires. Ces enzymes et protéines sont utilisées pour renforcer la barrière du glycocalyx contre les maladies cardiovasculaires et autres.
Une autre fonction principale du glycocalyx est de protéger les parois vasculaires de l’exposition directe au flux sanguin, en servant de barrière de perméabilité vasculaire. Une barrière sélective qui ne laisse passer que certaines molécules du sang vers le reste du corps, et nous protège contre la perte de liquide (œdème). Il sert aussi de couche lubrifiante pour le transport des globules rouges.
Il prévient l’érosion des parois des veines et des artères et empêche en grande partie les autres particules circulant dans le sang d’y adhérer, provoquant ainsi des caillots et des blocages. Qui plus est, en capturant certaines molécules, il contrôle l’apparition de la thrombose, de l’inflammation et du stress oxydatif4.
Ses fonctions protectrices sont universelles dans tout le système vasculaire, mais son importance relative varie en fonction de sa localisation exacte dans le système vasculaire.
Dans le tissu microvasculaire, il sert de barrière de perméabilité vasculaire en inhibant la coagulation et l’adhésion des leucocytes. Les globules blancs en effet, qui sont des composants importants du système immunitaire, ne doivent pas coller à la paroi vasculaire parce qu’ils doivent pouvoir se déplacer vers une région spécifique du corps en cas de besoin.
Dans le tissu vasculaire artériel, il inhibe également la coagulation et l’adhésion des leucocytes, mais par l’intermédiaire de la libération d’oxyde nitrique.
Or, la consommation de fructose s’accompagne d’une élévation rapide du niveau sanguin d’acide urique et il s’avère que ce même acide urique inhibe l’oxyde nitrique. En un mot, quand vous mangez du fructose, vos globules blancs perdent en mobilité. Plusieurs études se sont intéressées aux effets des charges de glucose et de fructose sur la motilité des globules blancs et une grande étude pilote en particulier a montré que quand on mange des glucides, on ralentit la fonction de nos globules blancs pendant 72 heures. Malgré cela, par ignorance certainement, on continue de donner au petit déjeuner des convalescents à l’hôpital après opération du pain, des biscuits, des glaces, du jus d’orange… C’est le pire moment, comme le regrette le Dr Gary Fettke.
Le glycocalyx a aussi une importance dans la digestion en fournissant fournit une surface supplémentaire, au sein du tube digestif, pour l’adsorption, et comprend des enzymes sécrétées par les cellules adsorptives qui sont essentielles pour les étapes finales de la digestion des protéines et des sucres.
Parmi ses autres fonctions générales, le glycocalyx amortit tel un coussin la membrane plasmatique et la protège des lésions chimiques. Il permet au système immunitaire de reconnaître et d’attaquer sélectivement les organismes étrangers. Il a un rôle de défense contre les cancers : les changements dans le glycocalyx des cellules cancéreuses permettent au système immunitaire de les reconnaître et de les détruire. C’est un régulateur de l’inflammation par son action sur les globules blancs. Il joue un rôle essentiel dans l’adhésion cellulaire en liant les cellules ensemble afin que les tissus ne se désagrègent pas. Et enfin - nous nous arrêterons là car la liste serait trop longue ! -, le glycocalyx constitue la base de la compatibilité des transfusions sanguines, des greffes des tissus et des transplantations d’organes.
Il ne fait donc aucun doute qu’il s’agit donc bien là d’un organe vital, le plus grand organe fonctionnel du corps, selon le Dr Fettke. Il est vrai que, entièrement déployé, il couvrirait la surface de trois terrains de basket ! Et il pèse autant que notre cerveau, soit environ 1,4 kg.
Un organe vital dont il faut prendre grand soin et l’alimentation s’avère encore une fois l’un des piliers principaux. Une diète le plus pauvre en glucides, glucose et fructose, qui soit. On pourra choisir le régime cétogène, riche en bonnes graisses et avec un bon apport en protéines. Cela dit, « classiquement » le régime méditerranéen ou encore le régime paléobiotique tel que je l’ai élaboré (Le régime paléobiotique de Marion Kaplan) seront également de bons protecteurs de notre glycocalyx, en limitant le glucose et le fructose, et les consommant, le cas échéant, de manière à limiter les dégâts, c’est-à-dire après ingéré des fibres qui viendront amortir leur impact (Révolution glucose).
Marion Kaplan et Myriam Marino
Notes
1 – « Actualisation des repères du PNNS : révision des repères de consommations alimentaires (Avis de l’Anses – Rapport d’expertise collective. Décembre 2016), l’apport maximal de glucides (sous-entendus glucides digestibles dans l’intestin grêle) dans l’apport énergétique total (AET) est de 55%, valeur au-delà de laquelle les risques d’insulinorésistance, de diabète, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers sont accrus. L’apport minimal en glucides doit être de 40% de l’AET, seuil en dessous duquel les risques de désordres métaboliques peuvent être augmentés (Anses, 2016). L’Efsa (2010) propose la fourchette de 45 à 60% de l’EAT pour les adultes aussi bien que pour les enfants de plus d’un an.
Concernant la consommation de sucres, hors lactose et galactose, mais toutes sources confondues, l’Anses souligne qu’ils ne devraient pas dépasser 100 g/j.
2 – Nos corps ne sont pas conçus pour fonctionner au glucose (Mangez ceci !), Dr Gary Fettke vidéo en anglais, ici :
https://www.youtube.com/watch?v=5W5w0WSBwDI&ab_channel=JesseChappus
3 - Ces enzymes et protéines comprennent la synthase d’oxyde nitrique endothéliale (endothéliale NOS), la superoxyde dismutase extracellulaire, l’enzyme de conversion de l’angiotensine, l’antithrombine III, la lipoprotéine lipase, les apolipoprotéines, des facteurs de croissance et des chimiokines, Glycocalyx, wikipedia (en anglais)
Le glycocalyx est constitué de glycoprotéines et de polyosides, notamment d’acide hyaluronique, Dictionnaire médical de l’Académie de médecine
4 – Anatomie : qu’est-ce que le glycocalyx, cet organe peu connu mais important dans tout notre corps ? BBC News Afrique, traduction d’un article paru en espagnol dans The conversation, écrit par quatre professeurs de l’Université des Baléares, 20 septembre 2021