7 / 02 / 2018
L'influence du microbiote sur la thyroïde et la maladie de lyme
Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, je vous invite à prendre connaissance de l'article sur le candida albicans que j'ai fait suite à mon entretien avec Denis Riché. Cette interview est la suite de nos échanges à bâtons rompus ... Elle complémente les éléments énoncés précédemment.
Marion : Pour l’hypothyroïdie a t’on besoin d’hormones thyroïdiennes ? Un peu d’iode peut-être ?
Denis Riché : Non, ça n’est pas forcément un problème d’iode. L’élévation de la TSH qui témoigne d’un dysfonctionnement thyroïdien peut avoir deux origines : soit un déficit en iode, sélénium, zinc ou fer, soit un problème d’auto-immunité. En fait, l’auto-immunité est la situation la plus fréquente qui justifierait un traitement avec du Levothyrox. Tout dépend du niveau de la thyroïde restant fonctionnelle. L’idée n’est pas de dire « il faut ou il ne faut pas prendre le Levothyrox » même si aujourd’hui il y a un gros souci en France, mais c’est de savoir si les dosages sont appropriés.
Existe t’il des hormones naturelles ?
Oui. Mais on ne les trouve pas en France. L’idée c’est de voir si les dosages nécessaires peuvent être réduits si on traite l’auto-immunité, C’est la même chose pour l’insuline en cas de diabète insulino-dépendant. Si tu modules la réponse immunitaire, si tu modules le problème inflammatoire, si tu optimises la fonction de ton organe en ayant des stratégies alimentaires appropriées, tu peux aller dans le sens d’une moindre utilisation de Levothyrox en observant une surveillance optimale, sachant qu’une TSH douteuse c’est au-dessus de 2,5. Beaucoup de biologistes établissent des valeurs de référence sur une population dont ils font la courbe de gauss (courbe en cloche). Ils disent « voilà la moyenne et les écarts types, voilà les valeurs de référence où entre 95% de la population, sans présumer de l’état des individus considérés isolément». En général, c’est entre 0,4 et 4,5/4,6. Pourtant, pas mal d’études montrent que dès 2,5, il existe une forte probabilité de présence d’auto-anticorps. C'est-à-dire qu’il y a beaucoup de personnes qui ont cliniquement des signes évocateurs d’un problème thyroïdien. Ils font alors un bilan et suite aux résultats, on leur dit « Votre TSH est à 2,8 tout est normal. Circulez, il n’y a rien à voir !». En fait, ils ont un problème thyroïdien sous-jacent qui est là.
Des conseils alimentaires autres que ceux qui empêchent de cicatriser ? Faut il consommer des protéines animales ?
Le problème de thyroïde n’est pas un avatar du carnovirisme ! Après on rentre dans des conseils d’organisation d’hygiène alimentaire générale indépendamment de la problématique de la candidose ou de l’hyperperméabilité donc c’est une question de philosophie personnelle. Si on mange des produits animaux, on sait qu’au-delà de 50 grammes de viande rouge par jour, on augmente la production de TMAO qui est un dérivé de la carnitine. En dehors de ça, on peut avoir la diversité que l’on veut. Si on a en face de soi une personne qui est végétarienne, l’idée ça n’est pas seulement de ne plus manger de viande et manger comme tout le monde, c’est d’aller chercher des substitutions possibles qui vont permettre d’avoir la même densité nutritionnelle.
Et les vegans ?
Pour moi, c’est un gros problème surtout sur un plan Phylogénétique, car ce n’est pas adapté. L’environnement fait que nos ancêtres chasseurs/cueilleurs, mangeaient beaucoup de végétaux bios par nature. Si les végétaux ne sont pas bio, on est dans un environnement toxique. Mais il y a quand même des nutriments. Cependant Il manque le DHA un acide gras à longue chaine essentiel) , et la vitamine B12.
Il parait que l’on a une réserve de 6 ans en B12 après c’est la cata....
En fait, pour couvrir l’ensemble des besoins de la planète en vitamine B12 quotidiennement, il faudrait l’équivalent du rond central d’un terrain de foot. C'est-à-dire que les quantités nécessaires sont très faibles, par contre il faut aller la trouver. Les populations veganes ont souvent une approche dogmatique de leur alimentation. C'est-à-dire que si on ne mange pas comme eux, on est toxique. L’idée de manger différemment se heurte à des discours philosophiques qui ne sont pas forcément validés. Autant il est justifié d’être raisonné sur la consommation de produits animaux, mais être raisonné ou être exclusif, ce n’est pas la même chose.
A terme, quelles peuvent être les dégradations dues au véganisme sur une longue durée ?
Je vois trois déficits majeurs qui peuvent apparaître : carence en sélénium, en vitamine B12 et en DHA. Ce sont les trois facteurs clés de risque d’Alzheimer. Mais c’est vrai qu’en fonction du déficit en B12 et de l’épigénèse il y a plein de troubles qui peuvent arriver. Un déficit en sélénium et un risque de cancer par exemple. Mais les trois nutriments dont les déficits sont associés au risque d’Alzheimer c’est : le déficit de la B12 avec l’élévation de l’homocystéine, le déficit en sélénium et le déficit en DHA.
Ne trouve t’on pas le sélénium dans les noix du Brésil ?
Oui, les noix du Brésil qui viennent du Brésil. Car la teneur des sols c’est ce qui conditionne la variabilité de la teneur en sélénium des aliments. Et la base de données qui a été établie sur une compilation d’études, dont certaines ont été menées sur un territoire riche en sélénium et d’autres non. Il apparaît en fait que les noix du Brésil de cette étude étaient riches en sélénium, mais ce n’est pas forcément le cas de toutes !
D’accord. Donc finalement les noix du Brésil ne sont finalement pas si riches que ça en sélénium.
On sait que le premier facteur de variabilité de la teneur en sélénium des aliments, c’est la teneur en sélénium des sols. En Chine, il y a des travaux qui avaient été menés sur des populations rurales voisines. Il y avait des territoires dont les sols étaient soient très pauvres, soient très riches en sélénium. En mangeant de la même manière, l’une de ces populations a développé des symptômes de déficit, l’autre a développé des symptômes de surdosage. Donc la base qui permet de réfléchir aux apports optimaux en sélénium repose sur des compilations de données où on fait comme si c’était la même chose partout. C’est le premier problème. Le deuxième problème, c’est que le sélénium existe sous quatre formes de valence, le Se2, Se3, Se4, Se5. Quand on dose le sélénium dans un aliment, c’est l’ensemble des valences qui sont considérées or la plus assimilable et physiologique c’est Se2+. Donc on n’a pas d’autres solutions que de doser le sélénium pour savoir où les gens se situent et complémenter pour corriger s’il y a un problème.
Donc si un vegan se complémente en B12, et en sélénium, où va t’il trouver le DHA ? Car le DHA ne se trouve que dans les huiles de poisson, non ?
Ou dans certaines algues.
Comment pallier les déficits protéiques, n’y a t’il pas de déficience en certains acides aminés ?
C’est compliqué. Il faut comprendre deux choses. Il y a l’impact du déficit protéique sur les éléments structuraux et l’impact du déficit protéique sur les fonctionnements enzymatiques. En fait, les enzymes qui vont utiliser les acides aminés comme précurseurs, ce ne sont pas des enzymes qui ont une activité linéaire, ce sont des enzymes qui ont des courbes en S. Si tu as une diminution de 15% de ta disponibilité en certains acides aminés dans tes cellules, les transformations enzymatiques qui utilisent les acides aminés comme substrat, ne peuvent se faire. C’est-à-dire que si tu as un peu moins de protéines, tu ne vas peut-être plus du tout fabriquer de thyroxine, plus pouvoir utiliser ta méthionine pour la méthylation, et tu vas avoir une carence en méthionine. Chez des sujets vegan, elle peut avoir des répercussions sur le contrôle de l’épigénèse. Il y a des risques à terme qui apparaissent. Si les populations ont survécu à l’époque du paléolithique, c’est parce qu’ils étaient omnivores. S’ils avaient été vegan, ils n’auraient pas survécu.
Est-ce qu’on peut appeler la borréliose ou maladie de Lyme, une maladie auto- immune ?
Non, c’est une maladie parasitaire. C’est une maladie qui se caractérise par un changement du logiciel immunitaire. Comme le candida, ce sont des agents infectieux qui, à partir du moment où ils pénètrent l’organisme, modifient le fonctionnement du système immunitaire pour être tolérés. En pouvant continuer ainsi à se développer au détriment de l’organisme, ils ont leur propre production de toxines qui va participer à un certain nombre de symptômes très fortement marqués au niveau cérébral et cognitif.
Ca serait la piqûre de tique qui aurait déclenché cette réaction ?
La piqûre de tique contient des bactéries. Il peut y avoir plusieurs bactéries qui sont inoculées, mais la bactérie va pouvoir exercer son action parce qu’il y a un terrain vulnérable, qu’il y a une co-infection éventuellement associée.
S’il y a le candida albicans au départ ?
Bien sûr. C’est le premier élément. Souvent c’est ce qui se passe. Le problème immunitaire initial peut être une candidose, et comme le candida envoie des informations pour réprimer le système immunitaire, il va y avoir des co-infections : herpès, borréliose, staphylocoque ou autre…
La borréliose ne peut s’exprimer que s’il y a une piqûre.
Bien sûr. Troisièmement, il peut y avoir des déficits immunitaires qui en découlent. A un moment donné, le système immunitaire est engagé dans un conflit au long cours, il peut y avoir des déficits qui aggravent la situation : carence en zinc, sélénium ou autre. Quatrièmement, il y a des symptômes qui sont liés à l’hyperperméabilité intestinale qui est associée au candida. On va avoir des dérivés du gluten, de la caséine qui participent à une partie des troubles cognitifs qu’on attribuerait éventuellement à la borréliose. Et puis, il y a tous les effets psychologiques, le stress, l’anxiété qui vont accentuer l’hyperperméabilité, la vulnérabilité immunitaire et le système se met en boucle. On rentre dans un cercle vicieux. Donc même si on a un western blot qui donne des informations comme quoi on a la borréliose, qu’on traite la borréliose, que le 2e bilan de contrôle montre qu’il n’y a plus de borréliose et qu’il reste plein de symptômes, la tentation est de dire « Vous n’aviez pas le maladie de Lyme, c’est pas sûr », surtout que la biologie est douteuse, et de se dire que c’est psy. En fait, il reste la candidose, le déficit immunitaire, il reste l’hyperperméabilité, il reste éventuellement d’autres co-infections. Mais le modèle de pensée médicale, c’est l’infection exclusive qui explique 100% du symptôme. On est dans le paradigme de l’infectiologie. On n’est pas dans le paradigme de l’approche complète où il y a plusieurs strates qui se superposent. Toutes les personnes qui subissent des piqûres de tique ne font pas de borréliose ! Il y a par exemple des bûcherons alsaciens qui sont piqués tous les jours qui ne font jamais de borréliose !
Mes chiens sont bourrés de tiques au printemps, pourquoi ils n’ont pas la borréliose ? Parce qu’ils ont un intestin plus court, déjà, non ?
Et puis, ils ne sont pas nés d’une maman qui avait une candidose de naissance et qui ne les désirait pas. Parce qu’ils ont des IgA sécrétoires au taquet. Cette notion de terrain est importante à comprendre. Si on a cette approche globale, tout n’est pas dans le microbe, tout n’est pas dans le terrain. Le terrain est évolutif en fonction même des infections que l’on rencontre.
Donc on est d’accord que si on enlève le gluten c’est enlever l’huile sur le feu.
Oui, mais ça n’est pas la bouteille de gaz.
La bouteille de gaz, c’est le candida. Et l’allumette, c’est à la fois le gluten, la caséine qui vont entrer dans le flux sanguin et ensuite les co-infections et le polymorphisme avec les mimétismes de certains virus ou bactéries.
Alors cette histoire de zonuline, est-ce qu’elle apporte quelque chose ?
C’est toute la problématique que j’évoque dans le livre sur les marqueurs. Qu’est-ce qu’on veut doser ? Est-ce que c’est l’hyperperméabilité le problème ?
C’est une conséquence.
Dans un contexte qui tourne mal. Donc quel est le meilleur moyen d’en rendre compte. L’intérêt de la zonuline, c’est un marqueur structurel mais aussi inflammatoire. Pour moi, j’ai un outil, un questionnaire qui renseigne sur l’hyperperméabilité qui est très intéressant. La biologie c’est plus sur les LBP ou LPS
Ce que tu appelles les endotoxines ?
C’est les LPS, les lipopolysaccharides.
L’endotoxine, c’est une toxine qui est générée par ton propre terrain, par ton tube digestif.
Voilà. Et qui normalement ne doit pas se retrouver dans le sang s’il y a une étanchéité de la muqueuse. Le fait que l’on en retrouve, c’est que un, il y a une hyperperméabilité anormale, mais deux, on a un élément perturbateur direct puisque les endotoxines peuvent déclencher des réactions auto-immunes par la levée de l’inhibition des clones auto réactifs. On va les retrouver, par exemple, sur la sclérose en plaque, sur le lupus, sur pas mal de pathologies où l’afflux brutal d’endotoxines déclenche l’auto-immunité.
D’accord. Et l’homocystéine là-dedans ?
L’homocystéine, ça va être la conséquence des déficits en B9 et B12 le plus souvent, qui sont souvent la conséquence de la candidose. Souvent on dit que l’homocystéine ne remonte pas quand on met de la B9 et de la B12, on dit que c’est des gens qui ont une prédisposition homozygote MTHFR*. Non, pas forcément. S’il y a un blocage de l’assimilation, tu as beau en prendre tu ne remontes pas ton statut, ça ne veut pas dire que tu es sur un profil homozygote. Ça veut simplement dire que tu as peut-être une candidose chronique que tu n’as pas corrigée.
Finalement, quand on t’écoute, tout vient du candida.
Tout vient de la dysbiose. C’est un facteur aggravateur.
Il n’y a pas de dysbiose sans candida ?
Il n’y a pas de dysbiose sans candida, mais on peut avoir d’autres germes.
Est-ce qu’il y a du candida sans dysbiose ?
On peut avoir du candida sans dysbiose si le système immunitaire est parfaitement performant et qu’on n’a pas de gros stress à côté.
Il y a rarement de perméabilité de l’intestin sans candida. Le candida génère la perméabilité et le gluten rentre dans le flux sanguin.
Et puis tu as le dysfonctionnement immunitaire derrière. C'est-à-dire que les gens que l’on reçoit avec des tableaux chroniques de perturbations, s’ils ont une candidose, la candidose est associée au problème. Maintenant on a des gens qui sont porteurs de candidose comme de temps en temps un pied d’athlète et il n’y a rien d’autre. Ils ont donc une candidose qui ne justifie pas qu’on la traite. Tout dépend du terrain et du polymorphisme de la personne. J'espère que vous avez compris en lisant cette interview que la première des choses est de vérifier si vous avez du candida albicans et de lutter contre la dysbiose. Éliminer de votre alimentation le gluten, la caséine bovine et le sucre, me semblent les premières indications pour retrouver son état de santé. Prenez soin de vous ! Marion Kaplan et Denis Riché*MTHFR est un gène. Nous avons tous deux exemplaires de MTHFR . MTHFR dit à notre corps comment créer un enzyme impliqué dans la décomposition de l'homocystéine. Comme c'est le cas pour tout gène, le code ADN du gène MTHFR peut varier. Lorsque nous identifions une partie de la séquence qui varie, nous l'appelons une "variante". La recherche génétique vise à identifier des variantes spécifiques qui causent des dommages ou des avantages pour la santé.