9 / 03 / 2022

La fibromyalgie : des pistes d'amélioration

Vous êtes nombreux à m’avoir demandé de vous éclairer sur cette maladie, ou plutôt ce syndrome qu’on appelle la fibromyalgie.

Voici de quoi faire le point avec l’aide du Dr Stéphane Résimont et de Myriam Marino

Douleurs chroniques, fatigue intense, troubles du sommeil, raideurs musculaires, dépression, anxiété… Pour les nombreuses personnes touchées par la fibromyalgie, les gestes du quotidien - et le quotidien tout court - deviennent chez certains des épreuves de force à la limite du tolérable auxquelles s’ajoute un traitement parfois difficile à supporter. Souvent réputée inguérissable par la médecine conventionnelle, on peut pourtant venir à bout de cette maladie et ce en quelques semaines, comme nous l’explique le Dr Stéphane Résimont1, dès lors qu’on la considère comme une maladie fonctionnelle et que l’on traite l’ensemble des causes - multiples et variées - responsables de cette affection. Modifier radicalement son alimentation, ajuster ses taux hormonaux, corriger les carences micro nutritionnelles existantes, traiter la dysbiose et relancer la production d’énergie par nos petites mitochondries sous forme d’ATP sont les piliers de la pleine santé retrouvée. C’est ce que je vous propose de voir ensemble aujourd’hui.


De « maladie psychosomatique » à « douleur nociplastique »

La fibromyalgie est une épine dans le pied de la médecine « classique » toujours en quête de la pilule « miracle » qui n’existera d’ailleurs jamais. L’hétérogénéité des symptômes de la maladie et l’absence de lésion ou de dysfonctionnement organique identifiable ont fait que pendant longtemps des doutes ont été émis par une partie du corps médical sur le fondement rationnel de cette maladie. Des doutes qui persistent encore d’ailleurs…

Reconnue comme entité médicale en 1992, elle est classée en tant que douleur chronique généralisée dans la dernière classification internationale des maladies (CIM), mais cette reconnaissance institutionnelle n’empêche pas la polémique de perdurer. Et elle durera tant que ces « anomalies » n’auront pas été décelées par des techniques d’exploration. Ils veulent voir pour croire alors qu’ils ont tout devant leurs yeux, c’est-à-dire un ensemble, certes très vaste et disparate, de symptômes dont il faut chercher les causes avant de toutes les traiter, comme nous allons le voir.

Donc, officiellement, la fibromyalgie n’est plus considérée comme une maladie psychosomatique, mais comme une douleur nociplastique2 causée par des altérations de la nociception, c’est-à-dire du système de détection et de contrôle de la douleur3.


Quelques repères en chiffres

Le nombre de personnes atteintes par la fibromyalgie (ou syndrome fibromyalgique) n’est pas connu précisément, mais elle concernerait selon certaines estimations 2% de la population européenne et touche plus les pays occidentaux à l’échelle mondiale.

En France, on estime que 1,5 à 2% de la population seraient touchés par cette affection, soit près d’1,5 million de personnes. Les femmes âgées de 30 à 55 ans sont plus souvent concernées, à raison de 8 à 9 cas sur 104.

Les symptômes apparaissent souvent au cours de la trentaine et, si son origine reste aujourd’hui encore une énigme pour la science, tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’une maladie multifactorielle impliquant un certain nombre de facteurs (biologiques, psychologiques et sociaux) directement responsables, aggravants ou déclencheurs de la maladie. Ces facteurs identifiés diffèrent d’une personne à l’autre.


Une importante variabilité de symptômes

La fibromylagie est une affection chronique caractérisée par des douleurs diffuses persistantes – la douleur chronique est le symptôme principal de cette affection - et une fatigue intense.

À la douleur et à la fatigue s’ajoutent d’autres manifestations comme5 :

- Des raideurs musculaires ;

- Des problèmes articulaires, notamment au niveau des articulations temporo-mandibulaires par exemple ;

- Des problèmes de sommeil avec difficulté d’endormissement, de qualité de sommeil,

- Des problèmes digestifs, où l’on retrouve souvent le syndrome du côlon irritable ou de l’intestin irritable, parfois une candidose, et une dysbiose intestinale d’une manière générale.

- La sphère mentale est également touchée avec des problèmes de mémoire, de concentration, de dépression, d’anxiété, des maux de tête, etc. Des manifestations désignées sous le terme de fibrobrouillard.

Il s’agit là des manifestations les plus fréquentes associées à la fibromyalgie. Le Dr Résimont y associe une hypothyroïdie sous-jacente, comme nous le verrons ensuite.


Les différentes causes investiguées

Il existe à ce jour une large littérature scientifique sur les causes potentielles de la fibromyalgie, dont certaines sont des hypothèses et d’autres sont plus ou moins confirmées6.


Du côté des neurotransmetteurs

Le domaine de recherche qui est très bien étudié concerne les neurotransmetteurs, notamment la sérotonine et la dopamine.

La sérotonine intervient dans le contrôle de nombreuses fonctions cérébrales : cycles veille/sommeil, thermorégulation, comportement de faim/satiété, comportement sexuel, nociception (elle est impliquée à tous les niveaux des voies de transmission et de contrôle de la douleur), etc. Différentes études mettent en évidence un déficit en sérotonine chez les personnes fibromylagiques. Un même constat est pointé du côté de la dopamine, dite « hormone du bonheur ».


Côté génétique et épigénétique

Autre domaine de recherche, de nombreuses études sont menées en génétique ou en épigénétique.

Pour le versant génétique, il a été constaté que certaines personnes souffrant de fibromyalgie partageaient une mutation génétique responsable d’un dysfonctionnement d’une enzyme essentielle à la production de sérotonine7.

En particulier, des mutations dans le gène codant pour le récepteur de la sérotonine 5-HT2A sont associées à l’apparition de la fibromyalgie.

Autre exemple, on retrouve des mutations du gène COMT, qui code pour l’enzyme catéchol O-méthyltransférase, une des nombreuses enzymes qui dégradent les cathécholamines (l’adrénaline, la noradrénaline et la dopamine étant les plus courantes) et les catéchoestrogènes8. La COMT est une enzyme du métabolisme à la fois de la dopamine et de la L-Dopa.

Un peu plus d’une vingtaine de gènes ont ainsi été identifiés à ce jour et des études mentionnent également des adaptations épigénétiques.

La piste des mitochondries

Elle explique tant la fatigue intense que les douleurs chroniques.

Il a été mis en évidence par certains auteurs, comme le Dr Sarah Myhill et ses collègues et le Dr Lee Know, que comme le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie résulte d’un dysfonctionnement mitochondrial (Voyage en mitochondries). C’est aussi le cheval de bataille du Dr Stéphane Résimont.

Ainsi que le souligne le Dr Know9, les fibromyalgiques sont constamment dans un état où la demande énergétique dépasse l’offre. Afin de répondre rapidement aux besoins énergétiques de la cellule en présence d’une réserve d’énergie réduite, le corps fabriquera de petites quantités d’ATP directement à partir du glucose via la glycolyse (ou métabolisme anaérobie), ce qui génère beaucoup plus rapidement de l’énergie mais de manière bien moins efficace que le métabolisme aérobie.

Ce changement génère deux problèmes majeurs :

- L’acide lactique s’accumule rapidement, comme c’est le cas chez le coureur de vitesse pour lequel la production d’énergie doit être rapide, provoquant des douleurs, appelées « brûlures lactiques » ;

- Utiliser le glucose de cette manière signifie qu’il en reste très peu, voire plus du tout, pour fabriquer du D-ribose.

Ainsi, les personnes atteintes de fibromyalgie n’ont jamais la capacité de se rétablir pleinement et de reconstruire entièrement leur réserve d’énergie. Et le Dr Know de conclure que la dysfonction mitochondriale explique non seulement la douleur, la faiblesse musculaire, la fatigue intense et continue, mais aussi comment et pourquoi ces personnes souffrent d’une fonction cardiovasculaire déficiente. Elles supportent qui plus est mal la chaleur, transpirent difficilement, ont un système digestif fragile et se plaignent d’avoir le cerveau « embrumé ». C’est toute une série de troubles qui s’enchaînent, et au départ il s’agit toujours d’un dysfonctionnement mitochondrial.


Une addition de causes qu’il faut toutes déceler et traiter

D’où la nécessité absolue de relancer l’énergie mitochondriale comme le préconise le Dr Résimont, ce dysfonctionnement étant l’une des multiples causes menant à la fibromyalgie.

Pour ce médecin qui pratique la médecine fonctionnelle, c’est l’addition de 12,13,14,16 carences, déficiences, ingestion de toxiques qui a comme effet de produire de la douleur et de la fatigue10. La fibromyalgie est un ensemble de causes de petites fatigues, de petites douleurs, qui en s’additionnant font de grosses fatigues et de grosses douleurs qui mettent les patientes complètement à plat.

Ainsi, l’art, souligne-t-il, c’est de repérer toutes les causes et de les traiter une à une. C’est du sur mesure : la médecine fonctionnelle peut la guérir en quelques semaines, un mois en général (son record étant d’une semaine !), moyennant donc comme je vous le disais en introduction, une modification alimentaire radicale, une optimisation des taux hormonaux, une correction des carences micro nutritionnelles, un traitement de la dysbiose et une relance de la production d’énergie par les mitochondries sous forme d’ATP.

Pour le versant alimentaire, il s’agit de supprimer totalement le gluten et les produits laitiers et d’apporter une alimentation protéinée le matin. Concernant l’alimentation, le Dr Résimont a connu deux récidives, l’une liée à l’ingestion d’œufs en chocolat au lait chez une première patiente et à la consommation de deux biscuits (du gluten donc) chez une seconde. Vous voyez à quel point il est primordial de les éradiquer !

La relance de l’énergie mitochondriale nécessite quant à elle un ajustement des taux de cortisol, d’hormone T3, ainsi que du ribose, du magnésium, des acides gras oméga-3, de la carnitine, de la coenzyme Q10, de la mélatonine, de la PQQ, l’acide alphalipoïque, toutes les vitamines du groupe B, etc. Je vous renvoie pour plus de détails à l’article que j’avais écrit à ce sujet : Les nutriments essentiels pour les mitochondries, Voyage en mitochondries 2.

En effet, souligne le Dr Résimont, la fibromylagie est toujours liée à un manque de magnésium, une vitamine D trop basse (quand on a une vitamine D inférieure à 20 ng/ml, on a mal partout, il faut qu’elle soit supérieure à 60-80 ng/ml, soit 6 à 1000 Ul par jour), une hypothyroïdie sous-jacente, un cortisol bas, et une dysbiose intestinale très fréquente.

Concernant ce dernier point, je vous citerai une étude très intéressante où des chercheurs ont pu mettre en évidence des modifications du microbiote intestinal chez les personnes atteintes de fibromyalgie11. Les changements concernaient, par rapport aux personnes en bonne santé, une vingtaine d’espèces de bactéries présentes chez les malades soit en plus grand nombre, soit en moins grande quantité. De manière inédite, les auteurs ont ainsi pu observer une corrélation directe entre la gravité des symptômes et la présence ou l’absence plus marquée de certaines bactéries. Si cette étude ne permet pas de savoir qui est le premier de la poule et de l’œuf, c’est-à-dire si la fibromyalgie engendre des modifications du microbiote ou si inversement une altération du microbiote favorise les douleurs de la fibromyalgie, elle a le mérite d’établir un lien entre microbiote et fibromyalgie.


Pourquoi les femmes sont plus concernées

Je vous disais en début d’article que les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes par la fibromyalgie et la raison en est simple, elle est hormonale. Elle explique la rétention d’eau douloureuse au niveau des fascias musculaires donnant les fameux « trigger points » recherchés par la rhumatologue pour poser son diagnostic de fibromyalgie. En réalité, rétablit le Dr Résimont, cette rétention d’eau douloureuse a trois causes : le manque de progestérone - la baisse de la progestérone survenant dès l’âge de 35-40 ans, à la préménopause -, le manque de potassium et l’hypothyroïdie, qui touche plus de 80% des femmes de plus de 35-40 ans. Et de rappeler que la T4 inactive nécessite entre autres de la progestérone pour être convertie en T3 active.

Ces différents déficits, déficiences et toxiques éradiqués grâce à cette prise en charge globale que je viens de vous présenter ouvre une voie royale à la guérison.

J’évoquerai avant de terminer les autres facteurs aggravants ou déclencheurs de la fibromyalgie, non des moindres, qui sont liés au mode de vie : la sédentarité, la prise de poids, ou des expériences difficiles comme des blessures, des infections, des suites d’accouchement, un acte chirurgical, une rupture relationnelle ou encore le syndrome du stress post-traumatiques.

Il est ainsi évident qu’outre tout ce que nous venons de voir ensemble, il est capital d’avoir une activité physique régulière et de travailler à bien gérer son stress. Différentes techniques existent parmi lesquelles vous trouverez celle qui vous convient le mieux. La méditation de pleine conscience, le taï chi, la cohérence cardiaque, par exemple, ou encore le biofeedback qui s’avère d’une grande aide dans la fibromyalgie.


Marion Kaplan et Myriam Marino


Notes :

1 – Pleine santé, Dr Stéphane Résimont et Alain Andreu, Éd. Marco Pietteur, 2021

2 – Une douleur nociplastique désigne, selon la définition de l’IASP (International Association for the Study of Pain) une douleur qui résulte d’une altération de la nociception malgré l’absence d’évidence claire de lésion de tissu ou de menace de lésion causant l’activation des nocicepteurs (Source : www.chu-nantes.fr)

3 – Fibromyalgie Une douleur chronique et diffuse, enfin reconnue, Dossier réalisé en collaboration avec Didier Bouhassira, unité Inserm 987 Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur, Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt, Inserm, 29 juin 2021

4 - Comprendre la fibromyalgie, Ameli

5 – Retrouver ce que le Dr Stéphane Résimont dit de la fibromyalgie dans cette vidéo animée par Cédric Lapauw, de Nutri-Logics, et faisant également intervenir Amin Gasmi, nutrithérapeute, naturopathe : La fibromyalgie, que dit la science https://www.facebook.com/lachroniquedudrresimont/videos/658127905453127/

6 – Déjà cité en note 5, d’après l’intervention d’Amin Gasmi

7 – Fibromyalgie : Enfin une explication aux douleurs ? , Nathalie Mayer, Futura sciences, 25 juin 2019

8 - Ainsi que divers médicaments et substances ayant une structure catéchol

9 - Les mitochondries au cœur de la médecine du futur, Dr Lee Know, Éd. Dangles, 2019

10 – déjà cité en note 1

11 - Un lien direct découvert entre fibromyalgie et microbiote, Marie-Céline Ray, Futura Science, 21 juin 2019


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