23 / 03 / 2022

La diversification menée par l’enfant (DME)

Du fait d'être nouvellement grand mère deux fois, et oui! Je me suis intéressée de près à la diversification alimentaire de notre petite Lili. Un sans faute avec ma fille qui, grâce à toutes nos nouvelles connaissances, notre expérience et internet, nous avons acquis une expertise que j'aimerais partager avec vous. Si j'avais eu ces connaissances quand j'ai eu mon fils à 24 ans, j'aurais évité les nombreuses erreurs que j'ai commises.

De plus vous êtes nombreux à m'avoir demandé de vous éclairer sur la diversification alimentaire menée par l’enfant ou DME, une autre manière d’appréhender cette étape importante du développement de l’enfant où on commence à introduire des aliments autres que le lait dans son alimentation. Mixés en purées dans la « version » classique, ils sont proposés coupés en morceaux dans la DME, et c’est bébé qui choisit parmi le panel coloré, sain et équilibré, composé par vos soins ce qu’il va manger, tout seul (sous votre œil vigilant) et à son rythme. Je vous propose de voir ensemble en quoi la DME consiste précisément, ses avantages et ses inconvénients, quels aliments proposer pour couvrir ses besoins nutritionnels et prévenir toute carence éventuelle, et enfin à qui elle s’adresse, car, comme le souligne Evelyne Bergerin, auteure de « Petites mains, grande assiette », la DME, c’est bien, mais ce n’est pas pour tout le monde et c’est correct comme ça1.

La diversification alimentaire

Il s’agit d’ajouter progressivement au lait légumes et fruits, volaille, poisson, œufs, légumes secs (lentilles, haricots, pois chiches…) féculents (pâtes, riz semoule, pain même complets), produits laitiers, processus conduisant à une alimentation familiale vers l’âge de 1 à 2 ans2.

L’âge de la diversification a beaucoup changé au fil du temps et elle est actuellement débutée chez un nourrisson en bonne santé au plus tôt à l’âge de quatre mois révolus et au plus tard à l’âge de 6 mois ; le lait pour nourrissons ne couvrant pas suffisamment les besoins nutritionnels nécessaires au bon développement de l’enfant à partir de cet âge, souligne Ameli3.

Contrairement à la diversification classique où l’enfant commence par manger des purées, dans la diversification alimentaire menée par l’enfant, les aliments solides, coupés ou entiers, sont introduits dès le début, bébé mangeant seul, à l’aide de ses mains, les aliments sains, variés et équilibrés concoctés par vos soins, parents. Il explore. Il est libre de décider ce qu’il mange, dans quel ordre et en quelle quantité.

Née dans les années 2000, la DME connaît aujourd’hui un certain engouement du côté des parents. Elle est encore peu reconnue par les professionnels de santé en Europe et aux Etats-Unis. Les publications de plus en plus nombreuses sur le sujet devraient faire évoluer un peu les choses. Le Canada, lui, recommande officiellement les finger foods (alimentation avec les mains) comme méthode de diversification.


La DME aussi vieille que le monde

La DME a été introduite sous le terme anglais de Baby-Led Weaning pour la première fois en 2001 par l’Anglaise Gill Rapley, une infirmière de formation : elle est ainsi considérée pour beaucoup comme la « mère » de la DME, même si elle ne se revendique pas en tant que tel. En effet, comme elle le souligne4, la DME est aussi vieille que l’homme lui-même (ou sa femme bien sûr), où bien avant les cuillères, les blenders et les nutritionnistes, bébé, à table aux côtés de ses parents, initiait spontanément consommation des repas familiaux, quand ils l’avaient décidé et ce sans aide. Tout naturellement, les parents mettaient la nourriture à disposition de l’enfant tout en montrant comment il faut faire. Seul le nom est nouveau donc.

La DME, appelée aussi alimentation autonome ou consciente, commence vers l’âge de 6 mois. À cet âge en effet, le bébé est capable de tenir assis sans appui, de saisir seul la nourriture et de la mettre à la bouche, de contrôler les mouvements de sa tête (en haut, en bas, à droite, à gauche). Certains bébés peuvent commencer plus tôt si leur développement le leur permet et les bébés prématurés auront besoin de plus de temps.

Contrairement à ce que l’on pourrait spontanément penser, les bébés n’ont pas besoin d’avoir des dents pour débuter cette alimentation autonome. Ils peuvent en effet mastiquer et écraser la nourriture à l’aide de ses gencives, ce qui les renforcera. Lors des poussées dentaires, la mastication permet qui plus est de répondre au besoin de mâcher ou de mordre et soulage le bébé5.

Il va sans dire que comme dans la diversification « classique », la DME n’est envisageable que si l’enfant est en bonne santé générale et qu’il n’a pas de problèmes de coordination, ne présente pas de troubles ou retard de développement ou encore des malformations de la bouche.


Comment savoir si bébé est prêt ?

S’il commence à montrer des signes d’intérêt pour d’autres aliments que le lait, qu’il observe ce que vous, les frères et sœurs, ou tout entourage général, mangez, ouvre la bouche tente d’attraper et de toucher la nourriture, pleure en cas de refus, etc., c’est qu’il est prêt à démarrer l’aventure de l’autonomie.


Les avantages de la DME

La DME est bénéfique pour le développement global de l’enfant à plusieurs niveaux. Elle favorise le développement de la motricité fine, une meilleure coordination œil-main-bouche et une meilleure conscience des sensations de faim et de satiété. Des recherches ont d’ailleurs montré que ces enfants avaient moins de risque d’obésité.

Elle favorise également une découverte autonome de différentes formes, couleurs, textures et saveurs. Les fruits et légumes sont en ce sens d’excellents outils pour les découvrir tout en stimulant les cinq sens : la vue, tout d’abord. Par exemple, la vue d’une une assiette avec de la betterave, du concombre, des pois chiches écrasés et des fruits rouges en dessert est bien plus engageante pour bébé qu’une uniforme purée. Pour nous adultes aussi d’ailleurs ! Leur acidité, leur amertume, leur goût salé ou sucré, stimulent le goût. Certains sont assez puissants d’autres plus doux. De même, bébé peut saisir entre les doigts écraser, déplacer, superposer, mettre à la bouche… : il expérimente ainsi le toucher sous plusieurs formes. Quant à l’odorat, il est stimulé par les différentes odeurs propres à chaque légume ou fruit, et tout autre aliment d’ailleurs. Et n’oublions pas l’ouïe, stimulée par le son d’une pomme que l’on croque, l’avocat ou une feuille de salade.

La DME favorise l’apprentissage plus rapide de la mastication, dont je vous ai souligné maintes fois l’importance (Lien vers L’importance de la mastication) et une meilleure coordination de la déglutition. Un vrai rempart contre le risque d’étouffement.

Des recherches ont montré que ces bébés avaient moins de risque d’étouffement avec des objets.

Arrêtons-nous quelques instants sur le risque d’étouffement, hantise bien compréhensible de nombre de parents concernant la DME. Il apparaît qu’il n’est pas plus important avec la DME qu’avec la diversification traditionnelle. Nous disposons d’un réflexe nauséeux, qui est un mécanisme de défense visant à protéger le pharynx et la gorge des corps étrangers. Il est très développé chez les bébés, ce qui fait qu’ils recracheront naturellement tout aliment trop gros ou qui va un peu trop loin6.

Pour terminer sur les bénéfices de la DME, elle favorise le développement de l’autonomie, vous l’aurez compris, processus indispensable au bon développement de l’enfant qui mange seul (toujours avec vous à ses côtés), à sa faim, à son rythme, et contribue à prévenir les problèmes alimentaires et les risques de néophobie, c’est-à-dire la peur des nouveaux aliments. Des recherches ont d’ailleurs montré que ces enfants ne nourrissaient avec plus d’entrain par la suite.


Quelle quantité, quelle taille, quels aliments ?

Classiquement, on commence par proposer à l’enfant des aliments cuits : à la vapeur douce bien sûr, pour conserver toutes les vitamines, les minéraux et les oligo-éléments, ou crus, en veillant à ce qu’ils soient bien mous, biologiques, avec des morceaux dont la taille doit correspondre approximativement à la taille de son poing serré. Afin d’éviter tout gaspillage et pour commencer doucement, une petite variété d’aliment, trois ou quatre, suffit pour engager le processus d’exploration de bébé.

On débute par les fruits et légumes, puis progressivement, en suivant le calendrier de la diversification classique, on introduit de nouveaux aliments comme les protéines, les féculents, les œufs (mollets de préférence, pour leurs vertus nutritives). On trouvera le bon gras dans l’avocat, l’houmous, les poissons gras, les œufs, de bonnes huiles ou des noix, mais mixées en purée.


Quelques aliments à proscrire

Le panel d’aliments à proposer est large, mais quelques aliments sont à proscrire pour éviter tout risque de fausse route et d’étouffement. On trouve parmi eux les aliments ronds ou trop petits comme les tomates cerise, les grains de maïs, les petits pois ou le raisin, la mie de pain et le pain de mie qui collent au palais, d'ailleurs je vous conseille de ne donner des aliments contenant du gluten qu'une fois par semaine, et observer s'il y a des réactions digestives, neurologiques ( colère, troubles du sommeil, agitation ) ou de peau dans les 48h, et les noix, amandes et autres fruits à coque entiers (vous pourrez les proposer, mais seulement écrasés). Enfin, les fruits et légumes à peau fine, comme les pommes, les poires, les pêches et les tomates, devront être pelés avant de les servir à bébé.

Le sel, le sucre et le miel (jusqu’à l’âge de 1 an) sont déconseillés. Ma fille ne les a pas réintroduits et Lili, à l'heure où j'écris à 16 mois... il existe avec le miel un risque de botulisme, une maladie infectieuse grave affectant le système nerveux, provoquée par les spores d’une bactérie contenues dans les poussières, dans certains sols, mais aussi dans le miel7.

Il est conseillé de privilégier les légumes et/ou fruits crus sur le repas du midi en même temps que les aliments riches en fer (viande, poisson, légumineuses…). En effet, la vitamine C, qui est détruite à la cuisson traditionnelle, mais pas à la vapeur dans le Vitaliseur, est en effet indispensable à l’absorption du fer.


La question des carences éventuelles

Dans la DME, vous n’avez pas la mainmise sur les quantités que votre bébé porte à sa bouche et avale, la question parentale des carences possibles est récurrente. Au début de la DME, le lait est l’aliment de base et couvre les besoins de l’enfant. C’est à vous, par la suite, de veiller à lui proposer des aliments variés, de qualité (bio si possible, cuits à la vapeur douce le cas échéant), non ou pas transformés, et surtout adaptés à son âge, comme dans la diversification classique. Il n’y a à l’heure actuelle pas beaucoup d’études sur ce sujet. Les premières ont été menées aux Etats-Unis et montrent que les bébés DME auraient un apport supérieur en matières grasses saturées et plus réduit en fer, zinc et vitamine B12.

On trouve du fer dans la viande rouge cuite dans les bonnes quantités, et dans les légumineuses si associées à la vitamine C. Le zinc est présent dans le foie de veau et les lentilles par exemple, et la vitamine B12 dans les viandes et les poissons comme les sardines8.


Pour conclure

La DME présente ainsi de nombreux avantages pour le développement global de votre bébé et l’édification d’un bon microbiote, garant de la pleine santé physique, mentale, psychique et cérébrale. Les inconvénients, vous avez pu les repérer peu à peu tout au long de ma présentation. Les repas peuvent être salissants, surtout au début, parents tatasses s’abstenir donc ! Il existe toutefois différents outils pour se faciliter la vie de ce côté : bavoir, toile cirée, etc. Bébé explorant, il faut aussi être patient et avoir une certaine capacité de lâcher prise.

Toutes ces raisons qui font que, comme le dit Évelyne Bergerin, la DME, ce n’est pas pour tout le monde, et cela n’est pas plus grave que cela, chacun faisant à son rythme et selon ses possibilités et capacités. Le tout étant de proposer toujours en revanche un environnement sain à son bébé tant alimentaire que relationnel pour lui permettre de grandir, de s’élever comme il se doit.

De toutes façons, je sais que vous ferez pour le mieux !

Différents sites proposent de nombreux conseils alimentaires précis tout au long de la démarche de la DME, je vous invite à les consulter si vous souhaitez vous lancer. Notamment :

Petites mains, grande assiette : https://byebyepurees.com, qui existe en livre aussi, par Évelyne Bergerin

Guide la DME : https://www.maman-naturelle.com

Hamstouille Bébé : https://www.hamstouille.fr ainsi que l'application HAMSTOUILLE


Marion Kaplan et Myriam Marino

Notes

1 - Les origines de la DME, 2 octobre 2017, Petites mains, grande assiette, byebyepurees.com

2 – Une fois la diversification commencée, il est recommandé d’introduire sans tarder les allergènes majeurs tels que les produits laitiers, l’œuf et l’arachide, que l’enfant soit à risque d’allergie (personnes allergiques dans la famille) ou non. La diversification alimentaire, Ameli, 17 novembre 2021

Alimentation du bébé : la diversification alimentaire, Ameli, 17novembre 2021

3 – Voir note 2

4 - Baby-Led Weaning, le guide essentiel pour introduire les aliments solides, Gill Rapley et Tracey Murkette

5 – DME bébé : bien appréhender la diversification de bébé, Passeport santé, 25 janvier 2022

6 – Voir note 5

7 – Voir note 2

8 - Vrai/Faux sur la Diversification Menée pat l’Enfant (DME), Les pros de la petite enfance, Christine Zalejski, consultante formatrice en alimentation infantile, fondatrice du site Cube et Petits pois dédiée à la nutrition des bébés et auteure de l’ouvrage


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