3 / 07 / 2024
Manger cru ou cuit ? Que choisir ?
Manger cru ou cuit dépend de chacun. Certaines personnes digèreront très bien le cru, quand d'autres non. Tout dépend de votre microbiote. Je le répète, nous sommes tous uniques ! Mais comme tout conseil, l'idéal n'est pas de manger uniquement cru ou uniquement cuit. Une approche équilibrée peut être la meilleure option, en combinant des aliments crus et cuits pour tirer le meilleur parti des avantages de chacun.
Face à Face : Marion Kaplan et Marie-Sophie L.
L’une souffle le chaud quand l’autre travaille l’aliment cru. Quand Marion Kaplan, ambassadrice de la cuisine à la vapeur douce, rencontre l’égérie de la raw food, Marie-Sophie L., la fusion ne peut être que délicieuse.
Comment en êtes-vous venues à l’alimentation que vous défendez ?
Marie-Sophie L. : Après un voyage en Inde et un jeûne prolongé, je n’ai plus eu envie que de manger des produits crus. Ce n’était pas tant leur cuisson qui me dérangeait mais l’idée qu’ils soient transformés. Je voulais de l’aliment brut, sans mensonge. Je me suis aperçue ensuite que c’était un mouvement très fort en Californie. Il devenait possible de mettre en équation des produits bruts et une cuisine raffinée.
Marion Kaplan : Pour moi, tout est venu d’une quête de bonne santé car j’allais très mal. J’ai fait aussi un jeûne à l’adolescence. C’est finalement très initiatique, très utile pour être plus à l’écoute de son corps. Je me suis toujours posé la question : comment cuire sans détruire ? En 1982, j’ai rencontré l’ingénieur André Cocard qui travaillait sur une cuisson à la vapeur douce. Ce repas et ma digestion m’ont subjuguée. J’ai compris qu’il y avait là le chaînon manquant entre la nutrition et la santé. Justement, diriez-vous que vos cuisines respectives sont avant tout des cuisines de santé ?
M.-S. L. : Pour ma part, c’est avant tout une « cruisine » délicieuse et sensuelle qui propose des goûts et des textures inédits et qui, en plus, est une cuisine santé. Mais je ferais passer la gastronomie au premier plan.
M. K. : Manger étant un acte qui fait plaisir, il est très important de manger sans culpabilité. La vapeur douce m’a permis cette façon de manger, loin de la cuisine de ma mère ou de ma grand-mère remplie de crème, de beurre trop cuit et de graisses trop cuites. Avec le Vitaliseur, on préserve la qualité des aliments. La subtilité est de cuire al dente, de juste attendrir la fibre pour éliminer des bactéries qui pourraient être pathogènes.
Comment perceviez-vous la cuisine de l’autre avant de vous rencontrer ?
M. K. : Avant de connaître Marie-Sophie, j’ai découvert son livre. C’est une œuvre d’art. Ce que j’adore dans sa cuisine, c’est entre autres qu’elle fait sécher certains produits, et le séchage est une légère cuisson. Ça permet de déshydrater et d’attendrir légèrement la fibre. Moi, j’allie le cru et le cuit.
M.-S. L. : J’ai toujours cuit à la vapeur pour mes enfants. Je faisais mes soupes à la vapeur pour conserver les nutriments des végétaux. Mis à part avec la cuisine au Vitaliseur, lorsque c’est cuit, c’est mort. Je pense qu’il est important d’alterner. Je ne suis pas pour.ne manger que cuit ou que cru. Tous les estomacs ne sont pas prêts. Certains n’ont pas assez de feu digestif pour ne digérer que du cru.
Cela veut dire que la limitation à un type de cuisine peut être néfaste ?
M.-S. L. : Je pense qu’il est dangereux de ne manger que cru du jour au lendemain. Introduire peu à peu plus de cru, en passant par la joie de découvrir de nouvelles sensations gustatives et de renouveler le paysage « crulinaire », c’est important. Plus on a mangé cuit, moins on peut manger cru, et plus la réadaptation est nécessaire. Nous avons plusieurs manières de nous ressourcer : rire, faire l’amour, manger et dormir. Il faut être très attentif à la façon dont on se nourrit. Elle nous texture, elle nous renouvelle, elle nous enthousiasme, elle nous ragaillardit, elle nous régénère, donc soyons attentifs à ce qu’on ingère.
M. K. : Je suis d’accord sur le fait qu’allier le cru et le cuit, c’est parfait. Il y a des saisons froides où il est très réconfortant de manger chaud et des saisons chaudes où l’on va avoir besoin de manger froid. Le problème des cuissons, c’est que l’être humain n’est pas raisonnable. Il cuit trop, comme c’est le cas avec le barbecue, les fritures, les cocottes sous pression, le micro-ondes ou la cuisson bouillie. On sait que ce sont des cuissons toxiques. C’est la raison pour laquelle j’ai fait des analyses avec le Vitaliseur et j’ai pu démontrer que même les vitamines les plus thermosensibles, comme la vitamine C et la vitamine B1, restaient intactes.
Ce n’est pas le cas des autres formes de cuisson ?
M. K. : Ceux qui vous parlent de la conservation des vitamines B2 ou B3 après une cuisson sont des tricheurs puisqu’elles ne sont pas thermosensibles. La saturation en eau est aussi un moyen de dégradation. Le couvercle en dôme du Vitaliseur a été conçu pour éviter que l’eau ne touche les aliments, donc pour qu’ils soient respectés intégralement. Et nous sommes tellement « pesticidés » de tous les côtés, aujourd’hui, qu’il est important d’éliminer grâce à la vapeur douce une partie de ces toxicités environnementales de surface.
M.-S. L. : Je n’ai pas tout à fait la même vision. Je mange cru depuis des années et je n’ai jamais eu aucune intoxication. Et je n’ai pas la même relation aux microbes. Pour moi, le microbe fait partie de la vie. C’est l’adversaire auquel on doit se confronter. Et nous sommes aussi notre flore intestinale. Elle est faite en altérité, en réponse à ces microbes- là.
M. K. : Il faut avoir une bonne flore intestinale et ce n’est pas donné à tout le monde.
M.-S. L. : On a la flore que l’on se crée et celle que l’on entretient, donc c’est important de nourrir sa flore intestinale avec des produits qui ne sont pas maltraités.
Cru ou cuit, le secret de l’alimentation, c’est le respect de la flore intestinale ?
M. K. : J’avais une flore très pathogène à cause d’une alimentation trop sucrée lorsque j’étais enfant. Je ne supportais pas l’alimentation crue. J’ai mis très longtemps à récupérer une flore normale. J’ai trouvé mon équilibre alimentaire, composé de 70 % de végétaux. Aujourd’hui, je mange en partie cru sans problème.
A-t-on des a priori à l’idée de faire un repas 100 % cru ?
M.-S. L. : Je fais des repas chez moi et personne ne pense que c’est cru. J’associe mes plats avec des tisanes ou des thés qui permettent aussi de manger chaud, mais je sers à température ambiante. En fait, personne ne se pose jamais la question. Mais il est possible de faire des soupes très chaudes en cru, en rajoutant de l’eau chaude, et là c’est très réconfortant. Je suis d’accord avec Marion sur le fait qu’il est important d’aider le feu digestif en mettant du chaud dans le ventre.
Dans votre cuisine crue, Marie-Sophie, il n’y a aucune protéine animale ?
M.-S. L. : Lorsqu’on voit tous les reportages sur les manières épouvantables d’abattage, on ne peut pas dire qu’on ne sait pas, et on n’a plus envie de manger de viande. Sauf que
nous sommes incarnés. Carne, c’est la viande. Nous sommes faits de chair, d’os, de sang et de pulsions chimiques. Nos pensées dépendent beaucoup de tout ce qu’on mange. Il n’est pas question d’enjamber notre incarnation, notre condition humaine. Je rencontre parfois chez les végétariens des comportements agressifs. Nous sommes des prédateurs. Alors nous pouvons décider de nous comporter en poète et de nous nourrir en tenant compte de la répartition des ressources et en mangeant de façon élégante. Mon Instant cru s’inscrit très élégamment dans cette façon de se nourrir effectivement sans produits animaux. Mais j’avoue que j’ai besoin de manger, de temps en temps, de la chair animale, et je n’enjambe pas cette partie de moi qui a ce besoin. On peut le faire avec respect.
M. K. : C’est ce que j’appelle des viandes irréprochables. Des animaux qui ont été élevés à l’herbage, dans la nature et dans de bonnes conditions. Il y a encore des agriculteurs qui travaillent comme ça.
Une majorité de personnes associe la cuisine à la vapeur à une alimentation de régime et sans saveur, et la cuisine crue aux salades, donc à des cuisines peu enjouées. Quelle plaidoirie auriez-vous envie de faire pour les défendre ?
M.-S. L. : Je vais me faire l’avocat du Vitaliseur. C’est une cuisson qui concentre les arômes quand celle à l’eau va les diluer. La cuisine crue va apporter des saveurs auxquelles nous ne sommes pas habitués. Ce sont des notes vives. Il y a plein de notes de tête dans la carotte, que l’on ne peut pas conserver si on la cuit traditionnellement. La cuisson à la vapeur douce des carottes va rendre biodisponible sa vitamine A. La vapeur douce va se sublimer avec des épices, alors que le cru utilisera des huiles essentielles. Ce n’est pas une opération réversible.
M. K. : Avec la vapeur douce, on n’est pas du tout dans une cuisine régime. Les gens ont souvent la croyance qu’il faut rôtir pour que ça donne du goût. Mais un produit de bonne qualité qui est bon cru sera bon aussi à la vapeur.
Quelles idées reçues aviez-vous sur la cuisine de l’autre ?
M.-S. L. : Mon idée reçue serait peut-être qu’un aliment cuit est un aliment mort… en même temps, j’ai toujours fait mes soupes avec le Vitaliseur avant d’être crudivore. Je reconnais, et Marion a réussi à me convaincre, qu’il y a des aliments qui sont optimisés par la vapeur douce. Je reste toutefois très accrochée au cru car l’aliment y dégage une vitalité incroyable.
M. K. : Je n’ai pas vraiment d’idée reçue sur le cru. La cuisine de Marie-Sophie me réconcilie avec l’alimentation que l’on imagine lorsqu’on pense au cru, et dont on pense qu’on pourrait se lasser. Ceci dit, tout ne peut pas se consommer cru. J’ai fait des analyses en électrophotonique sur un certain nombre de légumes. Il y a des légumes considérés comme toxiques quand ils sont crus, comme la pomme de terre et l’aubergine. Avec cette étude, il est incroyable de voir l’incompatibilité lorsqu’ils sont crus et la différence une fois cuits.
Quelle question aimeriez-vous vous poser ?
M. K. : Dans le cru, les protéines animales ne sont-elles pas très limitées ? Un œuf cru, ce n’est pas terrible…
M.-S. L. : Je peux manger du poisson cru, mais, le saumon cuit, par exemple, ça m’écœure un peu.
M. K. : C’est dommage de renoncer à un bon poisson vapeur…
M.-S. L. : Je n’y renonce pas (rires). Je ne fais pas du cru un dogme, mais une expérimentation qui n’a pas besoin de produits animaux, parce qu’il y a tant à explorer dans le monde végétal. J’ai remarqué que le gluten me rendait triste. J’ai renoncé aux produits laitiers car ils sont impossibles pour moi. Ce qui me plaît dans mon alimentation crue, c’est qu’elle procède de l’élément brut. On sait ce qu’on mange. Les graines germées viennent d’être incriminées, c’est un scandale. J’en mange tous les jours. C’est génial, c’est l’adolescence de la plante. Ça démode toutes les salades, même celles du jardin. Les graines germées de tournesol poussent encore dans l’assiette, c’est incroyable !
Qu’avez-vous appris de cet échange ?
M.-S. L. : Marion m’a donné envie de reprendre mon Vitaliseur pour me faire une écrasée de pommes de terre… Je suis un petit peu fixée sur une bonne écrasée au Vitaliseur, accompagnée d’une huile de truffe (rires).
M. K. : Ce qui nous relie, c’est l’utilisation de produits naturels. Nous n’avons plus besoin de lire des étiquettes puisque nous ne prenons que des produits bruts.
Interview réalisée par Florent Lamiaux.
95 en + :
L’Instant cru de Marie-Sophie L., aux Éditions Albin Michel.
Symbiotique de Marion Kaplan, aux Éditions Thierry Souccar.