10 / 11 / 2021
Intolérance à l’histamine, que faire ?
Démangeaisons, grande fatigue, vertiges, brouillard cérébral, nez qui coule, rougeurs, diarrhée, insomnie, sueurs nocturnes, reflux, impression de réagir à tout, de ne plus rien supporter, hypersensibilité aux bruits, yeux qui grattent, mictions plus fréquentes, raclements de gorge… Si vous présentez ces symptômes aussi divers que variés, dont la liste n’est pas exhaustive, peut-être est-ce en lien avec la sécrétion ou la réaction à l’histamine : ce que l’on appelle communément l’intolérance à l’histamine. Elle concernerait 1% de la population, mais le fait qu’elle n’ait été décrite qu’au cours de la décennie précédente et le caractère multidimensionnel des symptômes, font que ce chiffre est certainement sous-estimé. De plus en plus de personnes en souffrent, et ces symptômes ne trouvant pas diagnostic dans le cabinet médical allopathique (« vous n’avez rien, c’est le stress, ça passera »), c’est l’errance. Je vous propose de faire un point sur ce sujet assez complexe : les causes possibles (nombreuses elles aussi), que faire et comment s’en sortir.
Qu’est-ce que l’histamine ?
L’histamine est une amine biogène présente dans de nombreux tissus chez l’animal et chez l’homme. Très tôt, elle a été considérée comme le médiateur de l’allergie immédiate, mais l’ensemble des fonctions qu’elle a dans les cellules qui la contiennent et dans leur environnement est encore mal cerné. Il a été démontré que de très faibles concentrations d’histamine - non détectables par les techniques conventionnelles - jouent un rôle dans divers processus physiologiques, tels que le contrôle de la sécrétion d’acide gastrique, la neurotransmission, la régulation de la microcirculation et la modulation des réactions inflammatoires et immunologiques1.
Dans le sujet qui nous intéresse là, l’histamine n’est pas du tout en faibles concentrations et c’est là tout le problème. L’intolérance à l’histamine (ou syndrome d’intolérance à l’histamine) résulte d’un déséquilibre entre histamine accumulée dans le corps et capacités de dégradation, ce qui provoque un taux excessif d’histamine, susceptible de provoquer de nombreux symptômes mimant la réaction allergique. J’ai bien dit « mimant », car il ne s’agit pas d’une allergie. N’allez donc pas voir votre allergologue, il ne vous trouvera aucune allergie à l’histamine.
Médiateur chimique
L’histamine est libérée par les mastocytes (via le processus dit de dégranulation2), cellules du tissu immunitaire, en cas de signalisation d’un danger, ce qui va donc provoquer les symptômes listés plus haut.
Médiateur chimique, elle a différents récepteurs dans le corps, et selon les récepteurs qu’elle stimule, elle va entraîner, au niveau du récepteur H1, la contraction des muscles lisses, c’est-à-dire les muscles qu’on ne contrôle pas, digestifs, bronchiques ou encore capillaires, à l’origine des rougeurs faciales, par exemple. Quand elle stimule le récepteur H2, elle provoque une sécrétion de suc gastrique et d’acide chlorhydrique dans l’estomac : elle est ici très utile et très importante, nous permettant de bien digérer. La stimulation du récepteur H3 concernera plus les veines et les vertiges, etc3.
Dans le système nerveux central, l’histamine assure le maintien de l’état de veille.
Qu’est-ce qui déclenche cette réaction ?
Beaucoup d’aliments contiennent de l’histamine à des degrés divers. La mauvaise nouvelle, c’est que dans leur très grande majorité, ce sont ceux qui sont conseillés en nutrition parce que bons pour la santé. Nous verrons cela ensuite.
Dans des conditions normales, chez les personnes en bonne santé, l’histamine alimentaire est dégradée dans l’intestin par une enzyme appelée diamine oxydase, DAO. Cette enzyme nous permet donc de manger des aliments qui contiennent de l’histamine sans les symptômes accompagnant sa libération. L’intolérance à l’histamine peut être liée au fait que cette DAO ne fonctionne pas normalement, et les raisons possibles à cela ne manquent pas.
Une petite partie de la population présente un défaut génétique sur cette enzyme, donc l’intolérance est là depuis l’enfance. Mais dans le cas qui nous concerne, l’intolérance arrive d’un coup, c’est-à-dire que du jour au lendemain, vous ne « supportez » plus le bouillon d’os fait maison dont vous vous délectiez régulièrement sans problème avant, par exemple4.
Pourquoi la DAO ne fonctionne-t-elle pas normalement ? Si la cause n’est pas génétique, quelle peut-elle être ? Il y a beaucoup de cas de figure, dont je citerai un certain nombre.
Peut-être êtes-vous carencé…
La DAO a besoin pour bien fonctionner de différents éléments micronutritionnels comme de la vitamine B6, du zinc, du fer, de la vitamine B12 et de la vitamine C. Nombre d’entre nous en sont carencés comme nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises ensemble et l’alimentation actuelle est si appauvrie (les sols le sont de toute façon) et peu naturelle (additifs, conservateurs, transports, intrants chimiques, etc.) que cela nécessite souvent de se supplémenter.
Cela peut être une explication, mais il en est bien d’autres parce qu’on peut avoir tous ces symptômes listés plus haut tout en ayant une DAO qui fonctionne bien. Sur ce point, son activité peut être mesurée par des laboratoires spécialisés.
Les autres cas de figure
La DAO fonctionne bien, mais elle est inhibée par la consommation trop importante d’un coup de certains aliments. Parmi ces aliments inhibiteurs de la DAO, on peut citer l’alcool, les boissons énergisantes et le thé. Qui plus est, l’alcool et le thé, non seulement inhibent l’enzyme qui dégrade l’histamine, mais en plus ils en contiennent. Le double effet kiss cool, un peu d’humour…
Elle peut aussi être saturée. Outre l’histamine, cette enzyme intervient aussi dans la dégradation d’autres amines biogènes comme la putrescine et la cadavérine, que l’on retrouve dans la dysbiose de putréfaction. Ainsi, pendant qu’elle s’occupe de ces dernières, elle ne s’occupe pas de l’histamine. Vous comprendrez là encore l’importance d’avoir un bon équilibre intestinal, un microbiote en eubiose.
Si vous avez une dysbiose de putréfaction, que vous consommez des aliments riches en histamine et aussi des aliments qui inhibent la DAO, vous avez une accumulation de facteurs qui peuvent expliquer vos symptômes d’histamine.
Le Candida albicans également, sous sa forme mycélienne, va perturber la dégradation de l’histamine, ainsi que le Sibo, qui se caractérise par une prolifération bactérienne dans l’intestin grêle. Il s’exprime par un ventre qui gonfle juste après les repas et nous rend sensible à certains aliments comme les lentilles, les poids chiches, les oignons, etc. En un mot, tous les aliments à Fodmap. Ces bactéries en grand nombre vont perturber la DAO.
Selon l’Afssa (ex Anses), la formation d’histamine est essentiellement d’origine microbienne et les micro-organismes producteurs sont notamment des entérobactéries, pouvant impliquer notamment Clostridium perfringens et certains lactobacilles. La prolifération d’espèces productrices d’histamine dans la flore intestinale, liée à la prise d’antibiotiques ou au régime alimentaire (lactobacilles), pourrait être un facteur de déclenchement.
Une muqueuse intestinale altérée. L’hyperperméabilité intestinale, le leaky gut, un intestin poreux, etc. sont autant de conditions qui vont perturber la production de DAO parce qu’elle a précisément lieu dans la muqueuse intestinale.
Donc, toute la sphère digestive est de multiples façons un facteur d’intolérance à l’histamine. Plutôt qu’intolérance à l’histamine, les spécialistes de la question s’entendent à dire qu’il faudrait utiliser les termes de mal dégradation de l’histamine, quand on ne dégrade pas avec la DAO, comme nous venons de le voir, ou d’histaminose, quand on a de l’histamine en excès dans le corps.
L’histaminose et les facteurs pouvant en être responsables
L’histaminose peut être due à un défaut de méthylation. Il s’agit d’un processus biochimique essentiel pour le bon fonctionnement de l’organisme. Il intervient à beaucoup de niveaux : dans la synthèse des neurotransmetteurs, dans le sommeil, dans la détoxication du foie, dans l’équilibre neuro-psychique, au sein de nos cellules, de nos mitochondries, etc. C’est ici qu’intervient la deuxième enzyme de dégradation de l’histamine : l’histamine N méthyl transférase (HNMT). La DAO dégrade dans l’intestin, et l’histamine N méthyl transférase (HNMT) la dégrade à l’intérieur de la cellule, dans les tissus.
La HNMT intervient quand vous ingérez des aliments qui, sans contenir d’histamine, la déclenchent dans le corps. Les mastocytes dégranulent et libèrent à tous les niveaux l’histamine, que la HNMT se charge donc de dégrader. Or, elle a besoin pour cela de méthylation qui elle-même nécessite un bon taux de vitamines B6, B9 et B12, notamment. Si vous êtes carencé, vous connaissez la suite…
Ces déclencheurs d’histamine sans en contenir peuvent être des aliments donc, mais également des médicaments. De nombreux médicaments bloquent en effet l’action enzymatique ou provoquent une libération d’histamine, comme l’acétylcystéine, les antidépresseurs ou encore les IMAO (antidépresseurs prescrits dans les dépressions sévères avec des effets secondaires importants), par exemple.
C’est-à-dire que du jour au lendemain, après la prise d’un médicament, il se produit un dérèglement total dans le corps : une extrême fatigue, des maux de tête, un brouillard cérébral, des problèmes digestifs, etc. De plus en plus de personnes aujourd’hui sont dans cette situation. Ces réactions suggèrent que leur terrain est certainement propice à la libération de l’histamine, avec des mastocytes assez sensibles pour dégranuler plus facilement leur histamine, et le médicament fait que tout se déclenche.
L’histaminose peut également être provoquée par un burn out et l’effondrement du cortisol qui est une hormone anti-inflammatoire, ainsi que par le stress. D’où l’importance une nouvelle fois de bien le gérer.
Les facteurs hormonaux
Chez les femmes, une hyperœstrogénie (appelée aussi climat œstrogénique ou hyperœstrogénie relative) étant propice à la libération d’histamine, cela peut expliquer une histaminose.
Les dysthyroïdies peuvent être également une explication, tant l’hypo que l’hyperthyroïdie. En effet, l’hypothyroïdie se caractérise par un manque de l’hormone T3, or cette dernière inhibe l’histamine. À l’inverse, quand il y a trop de T3, dans l’hyperthyroïdie donc, cela va activer les récepteurs à l’histamine. La thyroïdite d’Hashimoto aussi peut expliquer une histaminose dans la mesure où les anticorps thyroïdiens se fixent sur les récepteurs les IgE des mastocytes et déclenchent ainsi l’histamine.
Les virus et maladies auto-immunes
Enfin, les infections virales, telles que la Covid - qui explique certainement que les cas d’histaminose explosent aujourd’hui -, mais aussi les infections froides, comme le virus à Epstein Barr ou encore la maladie de Lyme, vont accentuer la libération d’histamine.
Et de façon générale, les maladies auto-immunes ont tendance à favoriser l’histaminose.
Pour terminer, il existe aussi un autre cas de figure pour ajouter encore à la complexité de l’affaire. Outre la DAO et la HNMT, il est un autre acteur qui intervient dans la dégradation de l’histamine : l’histidine décarboxylase (HDC), qui convertit l’histidine en histamine. Une suractivité de cette enzyme constitue ainsi un autre facteur pouvant être responsable d’une histaminose.
Que faire ?
Le champ est vaste comme vous venez de le voir. La prise en charge s’avèrera longue et il faudra procéder par étapes, pas à pas.
Dans un premier temps, il est nécessaire de mettre l’histamine au repos en suivant une alimentation dite low histamine, c’est-à-dire présentant peu d’aliments qui contiennent et/ou déclenchent l’histamine. Et la liste est longue. Ce sont tous les aliments qui ont subi un processus long : les produits fermentés, marinés et fumés.
Figurent un peu plus en détail dans cette liste : les fromages affinés, le blanc d’œuf, les charcuteries, la viande hachée, les abats, les poissons fumés et marinés, les poissons gras, les fruits de mer, les légumineuses : lentilles, haricots secs, pois chiches, soja. La sauce soja est très histaminisante. Les fruits à coque également. Les noix par exemple, si vous avez un aphte dès vous en en mangez une, c’est un petit signe à histamine. De même, le café, si vous avez le nez qui coule juste après l’avoir bu, c’est là encore un signe. Vous avez aussi le chocolat, le thé noir, la choucroute, les légumes marinés dans le vinaigre, ainsi que tout ce qui est olives, piment, moutarde, la plupart des champignons sauf le champignon Paris, les aubergines, les épinards, les tomates, la roquette. Coté fruits, ce sont les fraises, les framboises, les agrumes, le kiwi et la banane. Toutes les algues et beaucoup d’épices et les additifs qu’elles contiennent aussi : extraits de levure, arômes, exhausteurs de goût, ainsi que les alcools.
Ainsi, beaucoup d’aliments en contiennent et la déclenchent en outre. Avec les deux, cela complique encore les choses. Si vous consommez au cours de ce même repas « histaminisant » de l’alcool, du vin par exemple, puis du thé pour clôturer de repas, qui inhibent la DAO, c’est encore plus compliqué !
En parallèle de cela, il s’agit aussi d’éviter les aliments qui contiennent des sulfites, qui sont aussi d’une certaine façon déclencheurs d’histamine, les oxalates, les salicylates.
En conclusion, il faudra consommer des aliments ultra frais.
Appliquez l'alimentation Powerbiotique ou Paléobiotique phase 1 sans les bouillons d'os, cela vous aidera considérablement.
Un travail sur les causes profondes
Cette mise au repos permettra d’apaiser le climat, les symptômes, et de travailler sur les causes profondes, sinon on ne résoudra jamais le problème : est-ce plutôt digestif (dysbiose, candidose, Sibo), plutôt hormonal, les deux ? Est-ce en lien avec la thyroïde ? Est-ce dû à beaucoup de stress ou à un burn out ?
Une enquête personnelle qui se fera pas à pas, tout en expérimentant, par tâtonnement là aussi, les aliments auxquels vous êtes sensible ou non.
Vous pouvez vous faire accompagner dans cette démarche longue, qui passera par le fait de bien gérer son stress, pourvoyeur d’histamine et déclencheur de ces réactions, et ses émotions.
Les compléments alimentaires
Ils seront d’une grande aide pendant tout ce travail sur les causes profondes. On va pouvoir prendre de la DAO, ainsi que des antioxydants, qui calment les mastocytes, comme la quercétine, la laryngine, le magnésium, et il faudra corriger les déficits éventuels : en cuivre, en zinc, en fer, que l’on aura préalablement doser afin de voir où on en est.
Les vitamines du groupe B sont très importantes aussi, ainsi que la vitamine C qui protège contre l’accumulation d’histamine, remplace la synthèse de bronchoconstricteur PGF2 par celle du bronchodilatateur PGE25.
Et soignez particulièrement votre muqueuse intestinale. Nombreux sont les témoignages de personnes ayant guéri leur intolérance à l’histamine après avoir guéri leur intestin.
Portez vous bien !
Marion Kaplan et Myriam Marino
Notes :
1- L. Galoppin, C.Ponvert (1997) L’histamine, Revue française d’Allergologie et d’Immunologie Clinique, Vol. 37, N°7, 1997
2 – L’histamine est un médiateur chimique stocké dans les granules intracytoplasmiques des mastocytes et des basophiles puis libéré en réponse à différents stimulus et particulièrement lors de réactions d’hypersensibilité de type immédiat dépendantes de l’IgE. Rôle de l’histamine et des récepteurs histaminiques dans la pathogenèse du paludisme, Walid Beghdadi et al. Med Sci (Paris) 2009 ; 25 : 377-381
3 – L’histamine exerce ses effets via l’activation de quatre récepteurs histaminiques H1, H2, H3 et H4 qui sont exprimés à la surface de différentes cellules, telles que les muscles lisses, les monocytes, les cellules immunocompétentes ou inflammatoires, les cellules endothéliales ou épithéliales et les fibres nerveusesop. cit. 2
4 – Intolérance et histamine : causes et solutions : https://youtu.be/Ji7D8Ci3jHQ
5 – Die Allergie-Hypothese – Fakt oder Fiktion ? Allergen – Korrelate einer schadstoffinduzierten Veränderung des Histaminstoffwechsels ?, zaen.org
Quelques vidéos
Intolérance et histamine : causes et solutions : https://youtu.be/Ji7D8Ci3jHQ
L’histamine et les troubles inexpliqués : https://youtu.be/HNANz-FWJpQ
Histamine, par le Dr Lucie Wetchoko : https://youtu.be/D2n6yPqFcTk