31 / 07 / 2018

Comment éviter le diabète et l'obésité ?

« 41 millions d’enfants de moins de 5 ans sont obèses »

L’alimentation moderne est riche en graisses saturées et surtout en sucres, y compris « cachés » : la malbouffe fait des ravages désormais bien connus dans l’organisme. Ce qui se passe à l’intérieur se voit à l’extérieur… L’obésité grimpe en flèche, tout comme le diabète de type 2, mais pas que… Explosent également les complications cardio-vasculaires, les maladies neurodégénératives, les cancers… Un dénominateur commun à tout cela : la résistance à l’insuline. C’est à cela qu’il faut s’attaquer pour recouvrer la santé.

L’obésité, première maladie non infectieuse de l’histoire, est en constante augmentation. C’est une priorité de l’OMS, en termes de prévention et de prise en charge. L’organisation nous livre ces chiffres qui font froid dans le dos : aujourd’hui, au niveau mondial, 300 millions de personnes sont obèses, avec une incidence dans les pays industrialisés d’environ 15 à 30 % de la population, et 41 millions d’enfants de moins de 5 ans sont obèses. L’obésité n’est plus « l’apanage » des pays à hauts revenus, elle court désormais aussi en Afrique, où le nombre d’enfants en surpoids ou obèses a pratiquement doublé, passant de 5,4 millions en 1990 à 10,6 millions en 2014. Enfin, près de la moitié des enfants de moins de 5 ans en surpoids ou obèses vivaient en Asie en 2014.

L’obésité s’accompagne de toute une cascade de dérèglements dans l’organisme, regroupés sous le terme de « syndrome métabolique ». Selon l’Inserm, « le syndrome métabolique, asymptomatique, est caractérisé par la conjonction de troubles, souvent modérés, d’origine glucidique, lipidique ou vasculaire, associés à une surcharge pondérale, qui vont agir en synergie, provoquer un diabète de type 2 et prédisposer à l’athérosclérose et à ses événements cliniques ».

Petite hypertension, glycémie (taux de glucose dans le sang) un peu élevée, un peu de cholestérol, un foie un peu gras… Le syndrome métabolique est un « cocktail de toutes ces perturbations à des degrés relativement faibles, mais qui sont réunies chez le même patient », nous explique le Dr Robert Nataf, biologiste et spécialiste du développement des tests biologiques ainsi que directeur du Laboratoire Philippe Auguste, à Paris. « Et l’inducteur de ce phénomène, c’est la suralimentation » : trop de sucre, trop de gras et sûrement trop de repas aussi (voir encadré). Ce syndrome sera plus ou moins sévère selon le contexte génétique, le type de suralimentation, le mode de vie, la façon de répartir les repas dans la journée.

Ainsi, « cela peut être limité à un discret syndrome métabolique si finalement la personne fait un peu d’exercice, ne mange pas uniquement des aliments très riches en énergie, si elle sait associer des végétaux et consomme un petit peu moins de fruits ». Le dénominateur commun à « cette constellation d’anomalies physiologiques et biochimiques, asymptomatiques, pouvant coexister avec des facteurs génétiques et acquis », pour reprendre les termes de l’Inserm, c’est la résistance à l’insuline. Les cellules deviennent résistantes car elles se protègent.

On retrouve cette insulinorésistance dans l’obésité, dans le diabète de type 2, mais pas seulement. « On constate que depuis le début des années 2000, l’incidence de certains cancers a été multipliée par quatre dans certaines populations », souligne le Dr Nataf. Des cancers qui se nichent dans les graisses : les cancers du rein, du côlon et de l’endomètre. Qui plus est, « la mortalité a également augmenté, étant 1,5 à 2 fois plus importante ». L’insulinorésistance fait également des dégâts au niveau du cerveau, ainsi que l’a montré l’équipe de Suzanne de la Monte, neuropathologiste à l’hôpital de Rhode Island (États-Unis), en 2005. Elle a observé que dans la maladie d’Alzheimer, le cerveau, en particulier les parties qui gèrent la mémoire et la personnalité, devient résistant à l’insuline. « À bien des égards, la maladie d’Alzheimer est une forme cérébrale de diabète », souligne-t-elle, proposant le terme de « diabète de type 3 » pour la maladie d’Alzheimer1

Tout commence dans le pancréas… Le pancréas, c’est l’organe de l’assimilation, du patrimoine. En fait, il y a deux pancréas : endocrine, qui est tourné vers l’intérieur, et exocrine, qui est tourné vers l’extérieur. Le pancréas exocrine va libérer dans la lumière duodénale (c’est-à-dire la partie haute de l’intestin) toutes les enzymes de la digestion : des amylases, qui dégradent les amidons, des lipases, qui dégradent les lipides, des protéases (la trypsine, la chymotrypsine) 2.

Toutes ces enzymes vont digérer le bol alimentaire et transformer ces aliments en petits nutriments qui seront absorbables par la muqueuse. C’est là qu’intervient le pancréas endocrine : il va sécréter l’insuline3 qui permet d’intégrer ces nutriments dans nos tissus. Par exemple, il va intégrer les graisses dans les lipides, le sucre dans le glycogène. Il fait des réserves. L’insuline favorise également la synthèse protéique.

C’est grâce à l’insuline que notre glycémie se maintient à environ 1 g/l. Sa fonction est de faire entrer le glucose et les nutriments dans nos cellules pour qu’elles puissent s’en servir comme d’un carburant, ce qui en même temps diminue sa concentration dans le sang. Hors repas, le pancréas sécrète en continu une toute petite quantité d’insuline. Mais dès que l’on ingère des glucides – ceux des fruits, des féculents, des laitages, du pain, du sucre blanc, etc., – la glycémie s’élève : c’est le pic glycémique, ce qui entraîne aussitôt une sécrétion plus importante d’insuline qui permet de normaliser rapidement le taux de glucose sanguin. Tant que l’on est en bonne santé et que l’on mange équilibré, sans trop forcer sur les aliments qui contiennent des sucres, le système fonctionne.

Par contre, « quand on stimule trop la production d’insuline, c’est ce que l’on fait à travers les nourritures nouvelles, très riches en énergie, on a un hyperinsulinisme, explique le Dr Nataf. Ce, pour deux raisons : parce qu’on mange trop et que l’insuline est stimulée non seulement par le glucose, mais aussi par les acides gras libres4. Les graisses vont s’accumuler dans la cellule et vont l’embarrasser, créant des lacs lipidiques. On fait du gras et puis on grossit. Vous répétez ça trois fois par jour, et cela se dérègle... « L’insulinosécrétion est favorisée par les aliments digestibles et absorbables », souligne le Dr Nataf. La solution pour enrayer ce processus délétère est donc de manger des aliments contenant des fibres non digestibles. On les retrouve dans les végétaux : légumes verts et feuillus, légumineuses telles que lentilles, pois chiches, etc.

Redonner du travail à notre microbiote intestinal Ce cheminement progressif tout au long de l’intestin ne va pas stimuler l’insuline et va faciliter la satiété, c’est-à-dire le sentiment d’être rassasié : notre microbiote intestinal a pu faire son travail.   L’alimentation moderne a fait que nous avons mis notre microbiote, cette population de micro-organismes dix fois plus nombreux que nos cellules, au chômage. Une communauté vivante avec laquelle nous sommes pourtant en dialogue constant. Nous avons appauvri notre microbiote au point que notre état de santé est aujourd’hui complètement dégradé. Comme le soulignent Erica et Justin Sonnenburg dans leur ouvrage L’incroyable pouvoir de votre microbiote : « Il devient de plus en plus difficile de trouver une personne dont l’état de santé ne soit pas lié à des aberrations du microbiote. »

Or, notre microbiote est notre auxiliaire nutritionnel. La dernière étape du cheminement que nous évoquions plus haut se fait dans le côlon : c’est là que se trouve la plus grande densité de bactéries. Elles se nourrissent des résidus de végétaux que les humains sont incapables de digérer tout seuls, et ce depuis des millénaires. Ce sont nos casques bleus. Elles veillent à notre bonne forme (physique et mentale) et attendent en retour leur livraison de fibres non digestibles.

Ainsi, recouvrer la santé, c’est tout naturellement retourner à nos origines ; le futur est dans notre origine. Il s’agit de retrouver l’alimentation de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, dont nous possédons toujours, en grande majorité, les gènes. C’est ce que nous appelons la « paléobiotique » : beaucoup de végétaux, peu de fruits, en tout cas plutôt des petits fruits comme les baies et peu de viande, mais de qualité. Se rend-on compte de l’aberration de manger de la viande de vache nourrie au maïs, alors que toute sa physiologie est organisée pour être herbivore… ou du cochon nourri au tourteau de soja alors qu’il est omnivore ? Il s’agit de retrouver une alimentation saine en bannissant le sucre, qui est un poison, en arrêtant les pommes de terre (riches en amidon), le gluten, le pain, les produits laitiers, qui en outre sont acidifiants, tout comme les céréales (des mauvaises fibres qui contiennent surtout de l’acide phytique, un déminéralisant).   Maintenir l’équilibre acido-basique de notre organisme est essentiel. Notre nourriture moderne produisant beaucoup d’acidité, il s’agit d’avoir une alimentation alcalinisante. Le fait de manger beaucoup de végétaux permet de neutraliser l’acidité. Alors, bien sûr, il est question d’opérer un changement d’alimentation radical, qui ne peut se faire du jour au lendemain. C’est pourquoi nous proposons un processus en trois étapes. Il faut d’abord passer un gros coup de balai, c’est-à-dire détoxifier, puis réincorporer peu à peu les aliments pour enfin stabiliser. On mangera des aliments contenant les fibres les moins absorbables possible, mais que l’on va un peu casser à travers une cuisson al dente. (les poireaux, les artichauts, l’ail l’oignon, le fenouil …)

Et le cru dans tout cela ? C’est un type d’alimentation qui offre de bonnes fibres puisqu’elles sont moins absorbables, mais notre intestin n’est plus capable de phagocyter certaines fibres. En outre, on peut rencontrer des mycobactéries très toxiques dans le cru (les légumes, les produits laitiers crus..). Alors, manger cru, oui, mais pas n’importe quoi ! Les salades sous vide sont complètement déconseillées : elles sont traitées au chlore, à l’activité pro-oxydante. Donc des salades, oui, mais fraîches, vivantes !   J'espère que ces conseils très efficaces feront écho chez vous ! Une petite remise en question pour une longue vie pleine de vitalité, cela vaut la peine, non ?

Combien de repas par jour ? Trois repas par jour, c’est « un gaspillage physiologique », pour le Dr Robert Nataf. Pourquoi ? Prenons le modèle du chasseur-cueilleur qui est celui vers lequel nous devons tendre à nouveau : il se levait le matin et partait à la recherche de nourriture. La plupart du temps, il cherchait du gibier et le temps qu’il mettait pour capturer ce gibier, c’était toute une journée. Une journée au cours de laquelle il était obligé de courir, freiner, ralentir… Il était dans un état de vigilance maximale. Une hormone précise permet cela : c’est le cortisol, une hormone cortico-surrénale. C’est l’hormone de l’éveil,de l’attention, de la menace ou encore de la vigilance pour arriver à quelque chose : par exemple, accomplir une nouvelle tâche qui nous stresse un petit peu. Le taux de cortisol est au zénith le matin et décline au fur et à mesure de la journée. Il est à peu près à la moitié de son taux vers 11 h-12 h, et retombe au 10e de son taux quand on se couche à 22 h. Vers 17 h, il a atteint à peu près le 20e de son taux. C’est que le moment est venu de manger, selon le Dr Nataf, c’est-à-dire quand on a effondré son cortisol. Parce que pour exalter la vigilance, le cortisol va sortir les nutriments de tous nos tissus : il catabolise des protéines, il détruit des lipides, il détruit le glycogène. D’où l’aberration de manger en même temps qu’on produit du cortisol. Sans tomber dans l’extrême d’un seul repas dans la journée (à 17 h, donc), et pour ne pas briser notre vie sociale ni trop bousculer notre physiologie cellulaire, le mieux serait de déjeuner légèrement vers 12 h-13 h, et de dîner vers 19 h 30-20 h, afin de garder un minimum d’activités qui aident à la digestion… Ce qui va bien sûr à contre-courant des idées reçues !

Marion KAPLAN.

Notes

1 - « Impaired insulin and insulin-like growth factor expression and signaling mechanisms in Alzheimer’s disease – is this type 3 diabetes ?», Suzanne de la Monte et al., Journal of Alzheimer’s Disease, février 2005.

2 - Sont également activées ces enzymes : des ribonucléases, qui dégradent l’ARN, et des désoxyribonucléases, qui dégradent l’ADN.

3 - L’insuline est sécrétée par un amas de cellules spécialisées du pancréas : les cellules b des îlots de Langerhans. Les cellules a synthétisent le glucagon.

4 - Se déroule alors une véritable compétition entre les acides gras libres et le glucose pour être oxydés : les acides gras libres le sont en priorité, entraînant une production accrue d’une enzyme appelée acétyl-coenzyme A carbosylase, qui convertit le sucre en graisse.


Interview avec le Pr Robert Nataf, biologiste et spécialiste du développement des tests biologiques et ancien directeur du laboratoire Philippe Auguste. Malheuresuement décédé il y a deux ans.


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